Le bon goût chinois

Le bon goût chinois

A Pékin, voyez-vous, on ne plaisante pas avec les normes alimentaires. Le Quotidien du Peuple rappelle opportunément qu’il est « strictement interdit d’ajouter des substances non comestibles, de vendre des aliments accompagnés de substances non-comestibles et recyclées, ainsi que de se procurer, de traiter et de vendre de la nourriture périmée ». Voilà qui est clair. La prohibition est récente et vaut principalement pour les commerçants étrangers, doit-on ajouter. Plusieurs d’entre eux sont en ce moment sur la sellette. Une enseigne française aurait été négligente dans le suivi des dates limites de vente de certains produits. Une chaine américaine de hamburgers aurait servi des aliments périmés maquillés aux additifs. Et même certains steaks « tombés au sol  », ce qui n’est pas expressément interdit par la loi mais ne se fait pas. Ce pourquoi le gouvernement chinois envisage d’installer des caméras dans les cuisines de la restauration rapide, afin de pouvoir surveiller en temps réel le respect de la réglementation. Car les Nez-longs du fast-food pourraient être tentés d’importer en Chine leur fourberie légendaire et leur hygiène approximative.

Autant de travers qui sont, de notoriété publique, absents de la culture chinoise. D’abord, la cuisine pékinoise méconnaît totalement le concept de produit frais. Pour réaliser un plat traditionnel, il convient d’utiliser, de préférence, des ingrédients patinés par les ans et rancis sous le harnais. Voire des matières que vous ne songeriez jamais à boulotter. Les nids d’hirondelle, par exemple. Lesquels ne sont pas en réalité des nids d’hirondelle, mais des nids de martinets. L’appellation fautive dénote une tendance regrettable à l’approximation dans l’ornithologie gastronomique chinoise, que la loi serait bien inspirée de sanctionner. C’est la salive du martinet, après coagulation, qui sert de base à la confection de plats recherchés et atrocement coûteux. Bien que, de l’avis général, le nid n’ait aucun goût ; mais il est paré de multiples vertus médicinales. Toutefois, reconnaissons-le : dans un strict respect des normes d’hygiène, on ne ramasse pas un nid tombé à terre. Tel n’est pas le cas d’un autre produit qui vient de battre un record de prix : 20.000 yuans (2.400 euros) les 50 grammes. Pulvérisés, les cours de la truffe d’Albe et du beluga iranien. Il s’agit d’une nouvelle variété de thé, dans un pays qui en compte déjà pléthore. Devinerez-vous où elle est cultivée ? Vous pouvez donner votre langue au chat. La réponse est : nulle part. Car cette infusion d’un beau vert bronze, baptisée « thé du panda » et précieuse comme un parfum français, est fabriquée à partir des excréments dudit animal. Entre nous, on préfère encore avaler un hamburger chinois, même tombé à terre.

La recette du jour

Cuisine des restes

Vous êtes restaurateur et vous déprimez de devoir sacrifier de la marchandise légalement périmée. Mettez-vous à la cuisine asiatique et rafraîchissez vos invendus d’une pincée de glutamate. Torréfiez le guano de vos canaris et servez-le à prix d’or à la place du café. Si vos clients l’apprécient, accompagnez-le d’une eau-de-vie de crottin de souris.

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