Le complot Marco Polo

Le complot Marco Polo

Il fallait s’y attendre : l’esprit complotiste a encore frappé. On rappelait hier la permanence d’un courant d’irréductibles, mettant en doute l’alunissage de Niel Armstrong. Sur la foi d’anomalies que révèleraient les images transmises aux populations ébahies. C’est maintenant le tour de Marco Polo. Non, il n’est pas mort, Marco. Enfin, si, mais depuis belle lurette. Non, il n’a rien à voir avec la Lune – mais bon sang, attendez donc la suite au lieu de vous agiter ! Il est question ici des fameux voyages de Marco Polo, et tout particulièrement ceux qui l’auraient amené à sillonner la Chine. De longues tribulations que son compagnon de cellule Rustichello de Pise a transcrites en français, alors qu’ils étaient tous deux détenus lors de la guerre que Venise et Gênes se livrèrent à la fin du XIIIème siècle, pour des questions épicières de comptoirs commerciaux. De ce compagnonnage carcéral, il en est résulté Le Devisement du monde, autrement appelé Le Livre des merveilles, l’un des best-sellers les plus fameux depuis l’invention de l’écriture. Mais bien que le récit soit apparu crédible aux contemporains, en dépit de quelques extravagances, l’authenticité du périple chinois de Marco Polo a par la suite suscité la suspicion de quelques sinologues occidentaux, notamment britanniques.

Les Anglais ne manquent pas d’excellents spécialistes de la Chine ancienne – probablement les meilleurs du monde -, grâce à l’antériorité des armées et des marchands de Sa Très Gracieuse Majesté dans le pillage de l’Empire du Milieu. Et tout particulièrement le très lucratif trafic d’opium, dont il n’est pas excessif de prétendre qu’il contribua largement à la fortune de l’Empire britannique et à la naissance de la puissante City. Voilà maintenant que Mrs Frances Wood, une éminence de la British Library, revient à la charge sans recours à la langue de bois. Comme le narre avec gourmandise Le Quotidien du Peuple, cette sinologue se montre plus que sceptique sur la crédibilité du récit. Et suggère que Marco Polo, « en supposant qu’il ait même existé  », n’aurait fait que rapporter les potins recueillis auprès des marchands orientaux, familiers de la Chine de l’époque. Les Chinois des temps présents vont faire la tête : ils ont une grande affection pour le personnage, plus encore que les Vénitiens eux-mêmes. Faute de pouvoir justifier d’une quelconque expertise en la matière, le billettiste ne peut préjuger de la pertinence des propos de dame Wood. Il se contentera donc d’observer qu’au Moyen-Age comme de nos jours, le public aime à croire certaines histoires, même incroyables. Ce qui justifie la constance de la propagande et de la désinformation. Et par corollaire la permanence des complotistes, qui ne sont pas nécessairement aussi allumés qu’ils le paraissent.

La recette du jour

La preuve par Vénus

Vous suivez avec attention les déclarations officielles et la transcription fidèle qu’en donnent les médias. Votre esprit suspicieux vous conduit au doute systématique. Vous n’avez pas nécessairement tort, mais cette pathologie peut vous rendre fou. Pour vous guérir, publiez le récit de vos aventures sur la planète Vénus. Vous verrez : certains les tiendront pour authentiques.

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