Le paradis des assignats

Le paradis des assignats

« On ira tous au paradis, mêm’ moi » prétendit en son temps un certain Polnareff, dans une bluette que toutes les Facultés de théologie tiennent pour hérétique. Même celle de Genève, qui pourtant peut justifier d’une expertise incontestable. En matière de paradis fiscal, s’entend. Il est désormais attesté que l’accès à cet Eden est réservé à une élite dorée sur tranche et réfractaire à l’inquisition. Celle qui permet à l’Administration des impôts de torturer les ressources et d’écarteler les patrimoines de ceux que la vie terrestre a comblés de bienfaits matériels. On avait cru comprendre que sous l’effet d’un consensus miraculeux et d’une volonté sans faille, les gouvernements du monde entier étaient parvenus à éradiquer la totalité de ces paradis mal nommés, qui sont en réalité un enfer pour les finances publiques nationales. Car les contribuables les plus prometteurs y logent des trésors que le Trésor ne peut écorner.

Il semblerait toutefois toujours possible de s’exonérer des indulgences sonnantes et trébuchantes que la loi impose à la foi commune. La planète compterait encore quelques camps de réfugiés paradisiaques surpeuplés, si l’on en croit l’étude récente de Tax Justice Network, une sorte d’ONG à l’affût des comportements fiscaux peccamineux. Selon la narration de cet article du [Monde http://www.lemonde.fr/economie/arti...], la fortune accumulée dans ces îlots fortifiés représenterait des montants astronomiques, bien qu’objectivement inchiffrables : par définition, le contenu d’un compte secret ne peut être connu des tiers. Sauf lorsque l’information est dérobée par un employé indélicat pour être revendue aux Etats concernés, rendant ces derniers passibles de complicité de recel. Ce qui confère un caractère sulfureux à la vertu supposée de la lutte contre l’évasion fiscale. Les commentaires vont bon train quant aux bienfaits que la collectivité mondiale obtiendrait d’une juste taxation du magot en cause, évalué à dix fois le PIB de notre pays. A en croire certains, les effets de la crise en cours pourraient même se dissoudre dans la disparition des paradis résiduels. Une façon d’accréditer l’idée que sans les incorrigibles tricheurs, il serait possible de remettre la pâte dentifrice dans le tube. Il n’est pourtant pas nécessaire que la « communauté internationale » mobilise ses troupes pour assiéger Panama, les Iles Caïman ou les Bermudes. Car les coffres forts des paradis fiscaux débordent principalement de créances foireuses. Que l’avenir proche pourrait bien transformer en assignats, sans qu’il soit nécessaire de tirer un seul coup de canon judiciaire.

La recette du jour

Brouet de créances

Vous avez tapissé d’assignats les murs de votre bureau. Pour vous souvenir que vos aïeux ont été ruinés par leur confiance insensée dans les signatures souveraines, et leur foi inébranlable en la justice fiscale. Alors fallait pas transformer vos économies en emprunts d’Etat et les planquer dans un paradis fiscal. Car au banquet de la finance, l’Histoire repasse les plats.

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