Le staff sur le grill

Le staff sur le grill

Air France va-t-elle renouer avec les bénéfices maintenant que les rémunérations du staff vont être rabotées ? On ne saurait le dire, mais il est clair que les actionnaires de la compagnie, les gros comme les petits, se sont montrés plutôt turbulents lors de la récente Assemblée générale. Ce qui est paradoxal, dans cette affaire d’échelle de rémunérations qui n’a pas fini de faire parler d’elle, c’est qu’elle est davantage l’expression de la mesquinerie du capitalisme financier que d’un sursaut moral du socialisme gestionnaire. Les salaires sont devenus, depuis un bon moment, la première variable d’ajustement dans l’abaissement du prix de revient. Maintenant que les salariés ordinaires sont passés à la moulinette, c’est le tour de l’encadrement qui avait été jusqu’alors choyé pour sa contribution active à l’amélioration de la « compétitivité ». Comme l’initiative française va faire son chemin, il faut s’attendre à quelques empoignades homériques.

Déjà, les tribunaux suisses, comme le signale ce matin Le Temps, estiment que même lorsqu’ils sont récurrents, les bonus ne doivent pas être nécessairement considérés comme faisant partie intégrante du salaire, et donc être dus en toute circonstance. Sachant l’importance de la part relative des bonus dans la rémunération totale des cadres, une telle évolution jurisprudentielle devrait provoquer un vif émoi dans la population concernée. Il est donc temps, pour ceux qui se sentent exposés, de changer de vie et de devenir leur propre employeur. En créant un restaurant, par exemple, et à New York, de préférence. Dans le même journal, on découvre chez les New Yorkais la naissance d’un courant de « gastronautes », ainsi nommés de jeunes branchés qui acceptent de payer le prix fort pour des aventures gastronomiques à haut risque (des tripes ou des rognons, par exemple) ou inédites (du sperme de cabillaud en salade ou de la méduse en radeau). C’est finalement assez encourageant d’apprendre que les jeunes générations d’Américains vouent de la curiosité à leur assiette et s’intéressent à autre chose qu’aux burgers et aux pizzas. S’ils se mettent à explorer les richesses de la gastronomie mondiale, ils en ont au moins pour vingt ans avant d’épuiser leurs découvertes. Sans qu’il soit besoin d’exiger des cabillauds une pratique que les mamans-poissons déconseillent à leurs enfants, pour les protéger du risque de devenir malentendants.

La recette du jour

Fourchette de 1 à 20

Vous déplorez que la loi française vienne s’immiscer dans la politique salariale de votre entreprise. Il vous faut réagir : réduisez votre rémunération à celle d’une caissière-en-chef de supermarché. Puis proposez le vingtième de ce montant à vos équipiers. S’ils acceptent, vous aurez gagné en compétitivité. S’ils refusent, laissez tomber et montez un restaurant de tripes et rognons à Manhattan.

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