Le testament de Trichet

Le testament de Trichet

Il a fait hier sa dernière conférence de presse en tant que Président : l’heure de la retraite va bientôt sonner pour Jean-Claude Trichet, qui achève sa huitième année de mandat à la tête de la BCE. Ça va faire tout drôle aux observateurs qui s’étaient habitués, non sans peine, au côté « statue du Commandeur » du personnage, ancien Gouverneur de la Banque de France, ancien Directeur du Trésor et toujours pétri de la morgue caractéristique du très haut fonctionnaire français, de surcroît affranchi de l’autorité politique grâce à l’indépendance, avec ou sans guillemets, de la Banque centrale. Un profil qui n’inspire pas la sympathie, on s’en doute. Son départ suscitera probablement moins d’émotion que celui d’Alan Greenspan, son ex-homologue américain que les marchés adoraient et avaient sacré « gourou ». Avant de se rendre compte que son sabir sibyllin et ses aphorismes de pythie de Delphes n’étaient que poudre de perlimpinpin. La politique monétaire de Greenspan a conduit tout droit aux dérèglements irréparables du système. On comprend sans peine que le père Alan ait été populaire sur les marchés financiers : il a comblé leurs rêves les plus fous. Un paternalisme laxiste aux effets incendiaires : on ne doit pas laisser les enfants jouer avec des allumettes.

L’Histoire ne pourra reprocher à Trichet d’avoir greenspanisé. Au moins dans la première partie de son mandat, marquée par l’orthodoxie pointilleuse héritée de la Bundesbank. Mais la violence de la crise financière a bousculé la tradition, pour la plus grande fureur des Teutons : le recours à des moyens « non conventionnels », de nouveau revendiqué hier, constitue un pas supplémentaire vers l’hérésie. Seulement voilà : y a-t-il d’autres moyens de faire face à la situation ? Bien sûr, ils existent. Mais toute stratégie concurrente supposerait le sacrifice du système financier tel qu’on le connaît. Une authentique révolution. Comme si le Pape décidait la dissolution du consistoire avant que le dogme ne soit réécrit. L’avenir jugera de la pertinence des choix opérés par la Banque, un mélange curieux de foi scrogneugneu et de dérapages peccamineux. Avec l’arrivée aux commandes de la BCE d’un prélat de la secte Goldman Sachs, la tension devrait monter d’un cran, sous l’effet du probable renforcement des prérogatives cardinalices conférées aux institutions financières. Si bien qu’à l’aube de sa retraite, Jean-Claude Trichet doit se demander si la postérité dira de son œuvre ce que Boileau répondit à Louis XIV, qui lui demandait son avis sur un poème écrit de sa royale plume : « Sire, rien n’est impossible à Votre Majesté : Elle a voulu faire de mauvais vers, Elle y a parfaitement réussi ».

La recette du jour

Retraite et humilité

Vous avez été éduqué et vous avez grandi dans le culte du respect rigoureux de la morale familiale. Votre constance vous honore. Mais les chambardements du moment mettent à mal la solidité de vos convictions. Si vous êtes au seuil de la retraite, maintenez publiquement vos positions et acceptez en sous-main toutes les dérogations. Et que les jeunes se chargent de dépatouiller votre succession.

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