Les chinoiseries du (...)

Les chinoiseries du FMI

Comment peut-on juger la qualité d’un rapport d’experts ? L’exercice est délicat, on s’en doute : d’abord, les experts sont peu nombreux. Ils ont donc du travail par-dessus la tête. Trop, en tout cas, pour avoir le temps d’expertiser les rapports de leurs collègues et amis experts. Et puis, entre nous, si un expert se mettait à contester la pertinence d’une autre expertise, ce serait mettre en doute l’excellence indépassable des membres de la corporation. Cracher dans la soupe, en somme. Car il n’y pas d’experts dans les disciplines relevant des sciences dures : jamais vous ne vîtes un expert en physique, en mathématiques ou en chimie, et vous n’en verrez probablement jamais. En revanche, les experts prospèrent dans des spécialités aussi proches de la science que la vessie d’une lanterne : les porcelaines chinoises, par exemple, afin d’éviter de prendre un vase Qing pour un Ming (priez le Ciel qu’une telle mésaventure ne vous arrive jamais). Ou la diététique, pour perdre vos 10 kg de trop dans la semaine sans en gagner 20 le mois suivant. Ou encore l’économie, la plus prestigieuse des non-sciences qui constitue un business en croissance continue. Et au sommet de la pyramide des experts figurent ceux du FMI : ce sont les mieux payés de la planète.

On reconnaît la qualité indépassable des rapports du FMI au fait qu’ils ne sont généralement pas contestés par ceux auxquels ils s’adressent. Sauf s’il s’agit d’un petit pays roturier aux mains de dirigeants cradingues et dépenaillés. Car les économistes éfémiens sont gens bien élevés : s’ils ont des recommandations amères à formuler, ils les enrobent généreusement de graisse d’oie pour faciliter leur ingestion. Le dernier rapport en date concerne la Chine, que la Banque centrale de Pékin a jugé « objectif  ». Ce qui en langue chinoise signifie « anodin », « insipide » ou en dialecte pékinois « qui ne mange pas de pain ». Le rapport dit en substance que si par extraordinaire la Chine était confrontée à des chocs multiples et simultanés, eh bien, elle serait en moins bonne santé qu’aujourd’hui, et peut-être même exposée à la maladie. En foi de quoi devrait-elle engager derechef une série de réformes, afin de s’aligner sur les pays « riches » qui les ont adoptées depuis longtemps. Et qui en ont tiré le profit que l’on connaît, merci pour eux. Bon, d’accord, on exagère un tantinet. Mais c’est bien l’esprit général qui émane de ce rapport sur « la stabilité financière » de la Chine, pays qui détient la plus grosse cagnotte en devises du monde entier. On veut bien admettre que sa stratégie n’immunise pas l’Empire du Milieu contre les difficultés : ce serait un comble, quand tous les autres Etats sont dans la mélasse. Mais recommander à Pékin de suivre la même voie que celle de ses aînés, c’est tout de même faire preuve d’outrecuidance et manquer singulièrement de lucidité.

La recette du jour

L’économie du non-savoir

Vous souffrez depuis longtemps d’un mal très européen : le doute vous ronge. Vous n’êtes jamais certain de penser juste. Adoptez sans tarder les codes de l’économie immatérielle : devenez expert. Dans n’importe quelle discipline, pourvu que ce ne soit pas une science. Si vous ne connaissez rien à rien, choisissez l’économie : vous pourrez pérorer à l’envi. Jusqu’à votre retraite dorée, si vous intégrez le FMI.

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