Les frontières de l'acquis

Les frontières de l’acquis

Bien sûr que c’est important, les frontières. Pas étonnant qu’il en soit question chaque fois que les produits, les capitaux ou les hommes sont suspects de les traverser trop aisément, et sont accusés, à tort ou à raison, de venir pourrir la vie des autochtones. Pourtant, une étude publiée par la revue Science, et relayée par Le Figaro, vient opportunément rappeler ce que nos sociétés doivent à la révolution du néolithique, ces temps lointains où les frontières conventionnelles n’existaient pas. Nous autres primates chasseurs-cueilleurs avons alors été aimablement colonisés par des agriculteurs venus du Proche-Orient. Des gens raffinés qui avaient domestiqué les espèces animales et qui maîtrisaient la culture des plantes vivrières, quand nos ancêtres en étaient encore à poursuivre les sangliers et à déshabiller les néfliers. Sur quoi les archéologues fondent-ils leurs thèses ? Sur l’ADN, figurez-vous. Celui du cueilleur-chasseur serait considérablement plus sommaire que celui de l’agriculteur. L’histoire ne dit pas (encore) si les colons proche-orientaux se sont mêlés aux barbares locaux ou s’ils les ont purement et simplement évincés.

Les darwinistes nous apporteront probablement la réponse : l’évolution résulte à la fois des particularités d’une espèce et des conditions de son environnement. Un exemple révélateur vient confirmer la théorie : en Grande-Bretagne, le nombre de milliardaires (en livres) a fortement augmenté l’année dernière. Mais le nombre de chômeurs a fortement augmenté aussi. On ne peut donc pas affirmer que chez l’Anglais, la richesse relève de l’inné : en réalité, l’ADN britannique serait plutôt roturier. Car les six premières fortunes du classement sont toutes aux mains d’Etrangers : l’Indien Mittal en pole position, bien entendu, même si l’acier a un peu perdu de son éclat. Et les autres sont principalement d’origine russe, avec des fortunes qui se sont constituées en moins de temps qu’il faut pour les évaluer. Ainsi, il semble que sous la protection de Sa Très Gracieuse Majesté, le climat soit particulièrement favorable à l’ADN des oligarques russes, dont les briques se sont édifiées à la force du poignet et à l’abri de toute suspicion de moralité. Nous avons là un bel exemple de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo : ne sachant plus produire de richesses, l’Angleterre s’est spécialisée dans l’importation des grosses fortunes. Ce qui permet au moins d’alimenter les ragots de la presse people et le mécénat des clubs de football.

La recette du jour

L’ADN du succès

Pour préparer votre avenir, vous faites confiance à la science et vous respectez les travaux des archéologues. Faites décrypter votre génome. Si vous avez l’ADN d’un cueilleur-chasseur, les carottes sont cuites : vous êtes condamné au prolétariat, chez vous ou ailleurs. Si vous avez au contraire l’ADN d’un agriculteur russe, filez illico au Royaume-Uni. Vous pourrez devenir reine d’Angleterre. Ou archevêque de Cantorbéry.

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