Les Notaires dans le viseur
- Par Jean-Jacques Jugie --
- le 20 juin 2014
Les médias ne sont pas les seuls à exploiter les marronniers pour stimuler l’audience. Le monde politique a les siens : des thèmes qui emportent un large consensus, car ils permettent au pékin de désigner des boucs émissaires à ses rancœurs, et d’offrir des motifs légitimes aux tares de notre espèce que sont l’envie et la jalousie. Il en va ainsi des professions réglementées, dont certaines renvoient – quelquefois à juste titre - au souvenir honni des privilèges de l’Ancien Régime et son système de charges. Dans l’imaginaire public, les professions réglementées relèvent de la lignée des Fermiers généraux. Une horreur que la prise de la Bastille n’aurait pas éradiquée. En cette période où l’Exécutif cherche ses marques dans un environnement plutôt électrique, il n’est donc pas surprenant que la question revienne sur le tapis, avec un mélange des genres qui ne contribue pas à éclairer le débat. Car le métier de taxi n’a pas grand chose en commun avec celui de pharmacien ; celui de pharmacien a peu à voir avec celui d’Officier public ministériel ; et parmi les OPM, il y a un monde entre le statut de greffier de Tribunal de commerce ou d’administrateur judiciaire, et le notaire.
Ce n’est donc pas sans raisons défendables que ces divers statuts soient discutés, et que des arguments solides soient avancés en faveur de la fonctionnarisation de certains. Mais il est un peu court de limiter le débat aux revenus que les OPM tirent de leur activité. Notamment les notaires, suspects d’enrichissement sans cause avec l’augmentation des prix de l’immobilier – les mutations constituent à peu près la moitié de leurs ressources –, dès lors que leurs émoluments sont calculés en pourcentage du prix de cession. Convenons que l’inflation des prix ne dessert pas leurs intérêts, même si leur rémunération n’est qu’une miette par rapport aux droits et taxes qui composent les « frais de notaire » grevant toute transaction immobilière. La portée du débat dépasse les questions d’intendance. Ce n’est pas par hasard si le Ministre du Redressement productif a saisi du dossier l’Autorité de la concurrence. Ce n’est pas non plus par hasard si le Président du Conseil supérieur du Notariat, lors du dernier congrès de la profession, a vigoureusement agressé la stratégie de « Bruxelles ». Car il y a bel et bien un conflit dans la qualification du statut, entre le Tribunal administratif de Paris qui considère les notaires comme exerçant des emplois publics, et la Cour de justice de l’UE qui les déclare exercer « dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique ». Ce n’est sans doute pas une idée très inspirée que de vouloir insérer notre Notariat, dont l’efficacité a fait ses preuves, dans le marigot de l’économie concurrentielle. Surtout au prétexte qu’ils sont plus opulents qu’ils ne le mériteraient.
La recette du jour
Prospérité partagée
Votre médecin et votre notaire sont plus riches que vous. Réjouissez-vous : leur aisance est une bonne garantie pour la santé de votre corps et celle de votre patrimoine. Il ne serait pas très prudent de confier sa survie et ses intérêts à des miséreux.