Les tourments du coiffeur

Les tourments du coiffeur grec

On doit se hâter, ce matin. Pas question de rater le vol pour Athènes, où l’on est attendu pour conseiller le gouvernement Papadémos. C’est que la partie devient difficile, voyez-vous, dans l’épreuve complexe appelée «  négociation volontaire  » de la restructuration de la dette. Pour des raisons évidentes de discrétion – les murs ont des oreilles – votre serviteur n’a pas pu annoncer au téléphone qu’il recommande le défaut de paiement pur et simple. Car de toutes façons, « l’offre maximale  » faite par le représentant des banques ne concernerait que les banques créancières, et encore ce n’est même pas sûr ; toute restructuration est refusée par les hedge funds qui se sont gavés de papier grec, avec la ferme intention d’être remboursés au nominal. Soit par l’emprunteur, soit pas les émetteurs des CDS qui assurent la dette (et qui ont décidé de ne payer que si le défaut est unilatéral). Comme les fonds vautours ont emprunté l’essentiel des capitaux nécessaires à leurs achats, ils se trouvent dans la même situation que G. B Shaw face au système financier : « Si je dois 10 livres à mon banquier, je ne dors plus ; si je lui dois 1.000 livres, c’est lui qui ne dort plus  ». Autant dire que la consommation de somnifères a explosé dans les établissements de crédit.

Le problème à résoudre relève de la quadrature du cercle. Même la « négociation » d’un haircut de 65% ou 70% ne résoudrait rien : selon les calculs de coiffeurs des économistes, et sous réserve que les dieux de l’Olympe se chargent du shampoing, l’endettement grec serait encore de 120% du PIB à l’horizon… 2020 (contre 160% aujourd’hui). Soit le double de ce qui est considéré comme gérable à long terme. Une telle perspective équivaut à la mise sous tutelle d’Athènes, et sa population condamnée au pain sec et à l’eau jusqu’à la septième génération (au moins). Puisque les Grecs n’échapperont pas au statut de « pauvres blancs » de la Communauté, quoi qu’ils fassent, autant qu’ils préservent le seul capital qui soit inaliénable : leur dignité. Bien sûr, la reconnaissance officielle du défaut de paiement entraînerait une chienlit indescriptible, puisque tout le monde se tient par la barbichette. Chacun sait que le papier grec ne vaut pas un kopek, si l’on ose dire. Mais tant qu’il est permis de lui donner une valeur dans les bilans, tous les maillons de la chaîne financière peuvent continuer de faire bonne figure. Tant que la Marquise arbore aux réceptions sa parure de diamants, elle conserve son rang. Mais si l’on apprend que son collier est gagé jusqu’aux trous de nez, elle ne sera plus invitée. Dans le monde de la finance, l’être est conditionné au paraître. Est opulent celui qui est capable de maintenir l’illusion que ses actifs valent beaucoup d’argent.

La recette du jour

Banquet à la Ponzi

Vous avez hypothéqué le château familial jusqu’aux fondations et votre cassette est de nouveau déprimée. Souriez, vous êtes surveillé. Donnez une réception grandiose ; conviez vos amis, vos ennemis, vos fournisseurs et vos créanciers. Vos prêteurs seront contraints de cracher au bassinet. Car vous refuser de l’argent serait reconnaître qu’ils se sont ruinés en vous ayant accepté comme client.

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