Menaces sur l'unité (...)

Menaces sur l’unité italienne

Petite devinette de fin de semaine : quelle est la différence entre une portion de moules de bouchot et une part de tiramisù ? Du point de vue des Anglais, il n’y en a aucune : ils consomment indifféremment l’une et l’autre avec un accompagnement de frites. Mais pour les Italiens, la différence est de taille : contrairement au célèbre dessert, les moules en question sont protégées par le label de Spécialité traditionnelle garantie (STG), équivalent européen de l’AOP française. Ce qui est finalement assez injuste, car c’est à un Irlandais, naufragé en baie de l’Aiguillon au XIIIème siècle, que l’on devrait le mode de culture sur bouchots : à marée basse, il avait tendu un filet entre deux pieux pour tenter de capturer des mouettes. En vain, on s’en doute : elle n’est pas folle, la mouette. Mais les mollusques vinrent s’agglutiner bêtement aux piquets. L’Irlandais dit alors « Eurêka » et partit s’envoyer un tonnelet de bière à la taverne voisine. Bon, fin de l’intermède historique et revenons à nos poêlons.

Ainsi donc, au vu des multiples déclinaisons de la recette, les Italiens plaident pour que le tiramisù soit reconnu comme STG. Ce qui est une interprétation assez extensive du label, reconnaissons-le. Avec ce mode de raisonnement, la France devrait faire protéger la poule au pot dominicale, le sauté de veau Marengo et tant d’autres recettes qui illustrent son inimitable génie gastronomique. Mais le plus folklorique de l’affaire, c’est que deux régions revendiquent plus fort que les autres la paternité du fameux dolce : le Piémont et la Vénétie. Certes, les pâtisseries vénitiennes jouissent d’une réputation méritée ; mais la base de la recette – le mascarpone – est assurément d’origine piémontaise. Ou lombarde. Mais les Lombards préfèrent se montrer discrets : ce sont eux qui ont inventé les banquiers. Et en ce moment, mieux vaut ne pas trop s’en vanter. Quoi qu’il en soit, la querelle du tiramisù menace l’unité italienne, aussi instable qu’un soufflé florentin. Dans un souci d’apaisement, qu’il nous soit permis ici de renvoyer les plaideurs dans leurs foyers : aucun Italien ne peut revendiquer la paternité du tiramisù. Sauf le nom du dessert, qui éveille effrontément les appétits (on peut le traduire par « secoue-moi », dans une version berlusconienne non édulcorée). Il faut rétablir la vérité : qu’ils soient Vénitiens ou Piémontais, les Italiens n’ont fait qu’adapter une recette indiscutablement française : la charlotte. Des biscuits imbibés d’un alcool léger, des jaunes d’œufs blanchis au sucre et enrichis de crème battue. Désolé de décevoir les Italiens ; nos Normands dorlotaient la charlotte bien avant que les Piémontais ne secouent leur mascarpone. Ce n’est donc pas la peine d’en faire tout en plat, de leur tiramisù.

La recette du jour

Brevet de mémé

Vous tenez de votre grand-mère la recette des lasagnes à la bolognaise. Cela fait donc plus de 25 ans que votre famille subit le même plat. Vous pouvez alors revendiquer une STG auprès de la Commission européenne. Vous toucherez ainsi des royalties sur tout le commerce communautaire de la viande chevaline. C’est d’un meilleur rapport que le PMU.

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