Merkel, l'anti-Garibaldi

Merkel, l’anti-Garibaldi

« Il faut que tout change pour que rien ne change  » professait Tancredi, le neveu du prince de Salina – ou Alain Delon, si vous préférez, dans la version filmée du Gattopardo, Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa. L’intrigue se noue lors du Risorgimento, cette « renaissance » de l’Italie marquée par l’unification de la Péninsule sous la houlette de la maison de Savoie. Et prélude à l’épopée de Garibaldi, une sorte de Che Guevara pour les Italiens, bien qu’il naquît à Nice alors que la ville était devenue française par la grâce raffinée des canons napoléoniens. Depuis, l’Histoire n’a cessé de confirmer la sentence un brin cynique de Tancredi : les révolutions remplacent une aristocratie par une autre ; les factions ennemies finissent par conclure un armistice acceptable et par nouer des alliances de sang qui transfusent aux nouveaux maîtres le prestige des anciens – ainsi que leur fortune, par capillarité matrimoniale. L’avidité, l’envie et la jalousie étaient et demeurent les principaux moteurs de l’activité humaine. Bien vu, Giuseppe : rien ne semble indiquer l’émergence d’un quelconque changement.

L’UE contemporaine n’est pas encore parvenue au stade d’une totale unification des Etats du continent, mais il faut reconnaître que le processus en cours s’est opéré sans recours à la force des baïonnettes. Mais aussi sans argument véritablement révolutionnaire, au contraire : l’Union a plutôt consolidé l’ordre ancien. Ce qui confère quelque pertinence aux critiques de « l’Europe des marchands » contre « l’Europe des peuples ». Et qui explique sans doute aussi le fond de la pensée merkélienne, hier exprimée devant nos lucarnes : les gouvernements ne sont que des passeurs, missionnés pour poursuivre l’action de leurs prédécesseurs, quand bien même seraient-ils en désaccord complet avec les initiatives passées. Ceci au nom de la continuité de l’Etat, un concept qui transcende les convictions et la volonté des dirigeants en place. Les représentants politiques sont ainsi ramenés à un rôle d’administrateurs popote mais inflexibles : il faut que rien ne change pour que rien ne change. Il n’est pas certain que le concours apporté par dame Merkel à notre Président soit pour lui une aide véritable dans l’opinion. Car au moment où les populations se sentent pousser des aspirations révolutionnaires, au constat de dysfonctionnements majeurs du système ambiant, la Chancelière martèle un propos délibérément réactionnaire. Comme en son temps Mrs Thatcher, avec son « TINA » : il n’y a pas d’alternative. On ne voudrait pas vous fâcher, Frau Angela, mais cette dialectique risque d’être un peu trop prussienne au pays des Lumières.

La recette du jour

Dialectique anti-guépard

Selon l’adage populaire, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Défendez bec et ongles la pertinence de cette sentence. Surtout si vous avez le pouvoir : dans ce cas, employez-vous à faire exactement l’inverse, car tout revirement compromettrait votre position. Et si les autres contestent votre point de vue, faites-les changer d’avis : ils ne veulent pas passer pour des imbéciles.

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