Merlin et la règle d'or

Merlin et la règle d’or

Mettre la Grèce sous tutelle ? Ils n’y vont pas avec le dos de la cuiller, les Allemands, en exigeant la nomination d’un gauleiter communautaire à Athènes. D’autant que le pays est déjà sous curatelle depuis pas mal de temps. Mais il faut bien reconnaître que les curateurs ne sont pas, eux non plus, vraiment parvenus à protéger les Grecs contre eux-mêmes. Ni contre leurs créanciers, du reste. Apparemment, la situation des uns et des autres a plutôt empiré depuis qu’ils ont pris les choses en mains : à en juger aux résultats, c’est plutôt la « troïka » gestionnaire qu’il faudrait mettre sous tutelle. Mais de qui ? On ne voit guère que Merlin l’Enchanteur pour accomplir une tâche qui réclame des pouvoirs supra-humains, car la fée Carabosse est déjà employée à plein temps aux Etats-Unis, où elle transforme par brassées les citrouilles d’Halloween en carrosses princiers – et tout le monde prie pour que minuit n’arrive jamais.

Ainsi donc Dame Merkel a dû, hier à Bruxelles, démentir l’intention allemande d’occuper la Grèce. Plus question de tutelle imposée ; seule celle qui est volontaire est convenable et démocratiquement acceptable. C’est pourquoi 25 des 27 membres se sont mis d’accord pour sacraliser la priorité du remboursement des créanciers. Une façon de faire allégeance aux marchés, par l’adoption de la « règle d’or  » qui opère une transmutation du plomb des déficits publics en or de la solvabilité. Et chacun de croiser les doigts pour que la réaction chimique ne laisse pas comme résidus trop de désordres sociaux. On doit à M. Juncker, chef de file des ministres des finances de la Zone euro et premier ministre du seul Etat-banque de l’Union, le Luxembourg, d’avoir le mieux synthétisé la mauvaise foi communautaire dans sa condamnation unanime de la saillie allemande. Il s’est insurgé en ces termes contre l’idée de la tutelle : « Si un pays sort durablement des clous, je ne serais pas opposé à ce que l’on fasse une telle chose, mais je ne trouve pas très heureux de le faire uniquement pour la Grèce  ». Il a mangé le morceau, Jean-Claude. Les Teutons ont parlé trop vite, une fois de plus. Si l’on veut parvenir à l’intégration budgétaire, c’est-à-dire à l’occupation des ministères nationaux par les fermiers généraux de l’Union, il ne faut pas donner l’impression que la tutelle est une punition. Il faut procéder comme avec les cyclistes luxembourgeois de M. Junker : ils sont désormais autorisés à brûler le stop. Pourvu qu’ils tournent à droite. Volontairement, mais obligatoirement.

La recette du jour

Règle d’or du voisinage

Vous êtes horripilé par l’un de vos voisins qui vit comme un romanichel, ne tond pas sa pelouse, laisse errer ses chiens et suspend son linge aux fenêtres. Si ça se trouve, il oublie même de régler ses créanciers. Ne protestez pas, vous passeriez pour un facho. Réunissez les autres voisins et convenez avec eux d’aimables règles de vie. Ce sont eux qui finiront par exiger que le trublion soit mis sous tutelle.

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