Mini-Monet, maxi-money

Mini-Monet, maxi-money

Vous êtes fier de vos enfants et nul ne vous en fera reproche. Mais est-ce bien justifié ? Qu’ont-ils donc fait de remarquable en leurs jeunes années ? Sans doute ont-ils été plus précoces qu’Averell, l’ainé des frères Dalton, suspect de n’avoir pas su marcher avant l’âge de 7 ans. Bon, c’est bien, mais il n’y a pas de quoi en faire tout un plat. Sans doute ont-ils prononcé des sentences mémorables à l’âge de la barboteuse (« pas de biberon, je veux un whisky »), produit des exploits sportifs inoubliables à l’âge des culottes courtes (le but de la victoire en minimes, contre Gryffondor), rivalisé d’audace à l’adolescence (demandé Alice Sapritch en mariage) ou mérité des galons au service militaire (chauffeur du colonel). Seulement voilà : devenus adultes, rien ne les distingue de leurs contemporains. Ils n’ont pas pondu la théorie de la relativité restreinte ni déniché le boson de Higgs ; pas écrit Autant en emporte le vent ni signé Terminator ; pas construit la Pyramide du Louvre ni votre cabanon de jardin. Tout au plus sont-ils devenus trader ou sénateur, mais vous n’osez pas porter la Rolex qu’ils vous ont offerte à Noël.

Tandis que les parents du jeune Kieron Williamson peuvent légitimement fanfaronner. Comme nous l’apprend un blog du Monde, ce gamin de 9 ans s’est déjà taillé une réputation enviable…. d’artiste peintre. Avec une production significative (il est capable de peindre jusqu’à six toiles par jour), un talent bluffant et une inspiration manifestement impressionniste. Ce qui lui vaut d’avoir été baptisé le « mini-Monet » par les collectionneurs qui s’arrachent ses œuvres promises à devenir maxi-money, et dont on peut apprécier la patte sur le site du susdit. A ce rythme, l’artiste précoce sera largement millionnaire en sterling avant d’avoir atteint la puberté. Quoi qu’on puisse penser de l’orchestration de l’affaire, qui témoigne de la fascination universelle pour la poule aux œufs d’or, ce gamin est un authentique phénomène. Qui bouleverse la théorie générale de l’art, selon laquelle la production d’une œuvre requiert un long apprentissage, souvent douloureux. Le bottin de nos grands peintres compte pléthore d’artistes « maudits », qui ont toute leur vie connu la vache enragée. Telle est la mythologie de l’école française, dans laquelle il n’est pas convenable que le génie d’un artiste soit reconnu de son vivant. L’école british est plus pragmatique et moins patiente. Elle n’ambitionne pas d’enrichir les descendants de l’artiste. Mais d’aider ses parents à prendre une retraite anticipée. Time is money, my dear

La recette du jour

Culture de talents

Vos enfants sont pour vous un trésor, tout le monde est d’accord. Mais selon les normes du temps présent, un trésor d’affection vaut moins qu’un magot sonnant et trébuchant. Dès qu’ils sont capables de se déplacer seuls, imposez-leur des pinceaux, un clavier de piano, un burin de sculpteur ou une calculette de banquier. Avec un peu de chance, vous serez bientôt retraité.

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