My teacher is poor

My teacher is poor

Voilà, c’est confirmé : les Français continuent d’être des cancres en anglais. C’est ce que révèle une récente étude qui nous inflige un bonnet d’âne dans la pratique de la langue de Shakespeare. Est-ce grave ? Eh bien oui, car les auteurs nous révèlent des corrélations redoutables : les pays qui maîtrisent l’anglais affichent une meilleure qualité de vie. Et accessoirement consacrent beaucoup d’argent à la recherche et au développement, donc innovent et exportent davantage. Bien sûr, vous connaissez des contre-exemples : les Bretons sont les seuls au monde à parler le brezhoneg, ce qui ne les empêche pas de peser d’un poids significatif dans les exportations agroalimentaires ; les Aquitains exportent mieux le bordeaux que la langue gasconne, mais il faut reconnaître qu’ils ont pour ancêtres les Plantagenêts, des hybrides franco-anglais. Ils sont donc génétiquement équipés du fluent english. Ainsi donc, toute population qui néglige la langue dominante s’exposerait tôt ou tard au sous-développement. Vous êtes prévenu. Autant dire que notre situation va devenir critique quand le chinois deviendra la langue des affaires : apprendre le mandarin, c’est autrement plus coton que de cuire un nid d’hirondelles.

Mais l’étude en cause ignore délibérément les pays dont l’anglais est la langue maternelle. C’est dommage. Car il apparaitrait alors qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis, les autochtones sont nombreux à parler l’idiome national comme une vache espagnole. Nous autres Français sommes toutefois mal placés pour pointer du doigt une telle dérive : nos mouflets tutoient massivement l’analphabétisme au terme de leurs études secondaires, sans que ce soit un handicap pour affronter des études supérieures. Il en résulte la généralisation d’un pathos mal équarri qui inonde les grands médias, et une tendance affirmée des autorités à s’exprimer comme des palefreniers. Car dans une société qui place le commerce au sommet de ses ambitions métaphysiques, il suffit de se faire comprendre de tout un chacun pour parvenir à l’accomplissement. La syntaxe et l’orthographe sont ainsi des finasseries byzantines qui compliquent l’échange marchand plus qu’ils ne le favorisent ; mieux vaut disposer d’un vocabulaire de deux cents mots d’origines diverses, ou baragouiner un basic english appris de préférence en Inde ou en Arabie (tout le monde le comprend, sauf les Anglais). L’idéal devient le charabia du dolcinien bossu du Nom de la Rose d’Umberto Eco, qui « parle toutes les langues sans en parler aucune ». Ce qui ne le sauve pas de la rhétorique sophistiquée de l’Inquisition, soit dit en passant. Pour favoriser la recherche et l’innovation, sans doute les Etats seraient-ils bien inspirés de soigner, en priorité, l’apprentissage de leur propre langue aux jeunes générations. Car il n’existe pas de raisonnement intelligent que son auteur ne sache exprimer.

La recette du jour

Brouet de langues

Vous tenez à préparer au mieux votre progéniture à la société qui se profile. Inscrivez-le dans une public school anglaise pour qu’il apprenne l’idiome dominant et la discipline carcérale ; dotez-le d’une nounou espagnole, d’un palefrenier arabe, d’un cuisinier chinois et d’un précepteur russe. S’il se révèle nul en français, offrez-lui un étal sur le marché de Barbès.

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