Pandémie d'indignation

Pandémie d’indignation ?

Nous voilà confrontés à une embarrassante incertitude scientifique : la biologie sociologique méconnaît la pathologie de l’indignation, une affection bénigne qui n’épargne personne, ou presque, provoquant un pic d’adrénaline qui disparaît très vite, grâce aux vertus analgésiques du feuilleton télévisé ou de la glace au chocolat (avec chantilly). L’indignation n’est pas contagieuse : le virus appartient au patrimoine génétique de l’homo sapiens. Si bien que l’on se sait pas quelle pandémie peut résulter de la réunion dans un même lieu de plusieurs indignés – parfois jusqu’à quelques dizaines –, comme on peut en observer un peu partout sur la planète. Tout particulièrement dans les pays où les désordres économiques provoquent de compréhensibles angoisses métaphysiques, devant le risque de voir demain manquer tout ce qui faisait hier le confort au quotidien. L’Europe étant une grande famille modérément solidaire, les Indignés de plusieurs nations sont partis seuls et on convergé vers Bruxelles, où ils se sont retrouvés (400, selon la presse) au Parc Elisabeth pour y stationner : ce qui s’avère impossible, car le Parc ne propose que trop peu de toilettes, interdisant ainsi le camping dans des conditions sanitaires acceptables par le Bourgmestre.

Nul doute que les motifs d’indignation soient réels : le désarroi gagne nos sociétés, incrédules devant les développements désastreux de pratiques qu’elles ont longtemps célébrées comme le summum de la modernité. Nul doute que s’installe, chez le pékin, la défiance à l’égard de sa représentation politique, suspecte d’incurie et de connivence coupable avec les fauteurs de désordre. Nul doute, en conséquence, qu’il devienne nécessaire d’inventer de nouvelles règles de vie. L’indignation groupusculaire sera-t-elle le catalyseur du futur paradigme ? Pour l’instant, les autorités gèrent cette aimable bronca avec les moyens ordinaires, mobilisant l’intendance appropriée aux chahuts inévitables de gamins bien élevés. A Bruxelles, on s’occupe des latrines. A Seattle, le Maire s’est montré plus retors pour disperser un groupement indésirable d’indignés dans le parc de sa ville : il a fait valoir un règlement communal prohibant les équipements de camping. Et à ce titre interdit le port du parapluie, instrument indispensable dans une ville où il pleut davantage encore qu’en Bretagne. L’histoire ne dit pas s’il parviendra ainsi à éviter les pépins. Mais on se sait quoi penser d’une indignation collective qui se dissout dans le risque d’attraper un rhume de cerveau.

La recette du jour

L’éducation et la loi

Vous avez élevé vos enfants dans l’aisance et l’insouciance. Ce qui ne les empêche pas de s’indigner d’être soudainement, et sans motif, privés de dessert. Ne protestez pas, ne vous expliquez pas. Appelez vos avocats : ils sauront dénicher un règlement qui prohibe l’indignation filiale devant la privation de dessert. Et gavez-vous en solitaire de la charlotte au chocolat.

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