Parachutes en vrille

Parachutes en vrille

Il aura fallu quatre ans au Parlement suisse pour soumettre à referendum l’initiative Minder, visant à prohiber les « rémunérations abusives » dans les entreprises. Au sein d’une population très à cheval sur les vertus de la démocratie directe, un délai aussi long a logiquement laissé planer le soupçon que les autorités cherchaient à jouer la montre. Du reste, economiesuisse, le Medef helvétique, a ferraillé sans relâche et dépensé beaucoup d’argent contre une initiative supposée donner « un signal négatif pour la place économique suisse  ». Mais le verdict est sans appel : 68% des votes en faveur d’un dispositif restrictif. Au pays de Calvin, on respecte le libéralisme et l’enrichissement qu’il favorise. Mais pas l’enrichissement sans cause : le parachute de 72 millions de francs, promis au président de Novartis comme contrepartie à sa clause de non-concurrence, a probablement aidé à cristalliser les positions.

En ces temps de désordres climatiques, la votation suisse fait penser à un iceberg. La partie émergée relève de l’émotionnel : les rémunérations du staff jugées « indécentes », qui menacent la cohésion sociale, en répandant le sentiment d’une injustice institutionnalisée dans la répartition de la valeur ajoutée produite par les entreprises. Le phénomène est indéniable : cela fait maintenant des décennies que les inégalités s’accroissent dans des proportions spectaculaires. Mais la partie immergée est autrement importante : c’est celle qui va donner corps à la future loi suisse. Car il s’agit bien d’un problème de droit. Les outrances des temps présents résultent d’un détournement du pouvoir des actionnaires par les instances dirigeantes, installées dans le microcosme qui fait la pluie et le beau temps en Assemblée générale, grâce notamment à la représentation du droit de vote des actionnaires par le dépositaire des titres (banques, assurances, fonds de pension). Ce petit monde organise la prospérité de ses membres par échange de bons procédés et renvois d’ascenseur, sur le dos des firmes, de leurs employés et de leurs actionnaires. L’initiative Minder pourrait ainsi restaurer l’actionnaire dans les droits qu’il a abandonnés par négligence, et pas seulement en Suisse. Et détrôner une pseudo-aristocratie du business, assise sur la consanguinité plus que sur l’excellence, qui se nourrit impunément sur la bête. Au risque de la mettre en péril.

La recette du jour

Echelle salariale

Dans une économie de libre marché, la rémunération des dirigeants sanctionne leur talent. Lorsqu’elle est importante, c’est qu’ils sont efficaces ; lorsqu’elle est très importante, c’est qu’ils sont brillants. Lorsqu’elle est pharaonique, c’est qu’il faut les empêcher de divulguer toutes les acrobaties sulfureuses auxquelles ils doivent les profits atypiques.

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