Tourisme : Paris équarrie

Tourisme : Paris équarrie

Notre pays doit une fière chandelle aux rois mégalomanes et autres empereurs déjantés, qui ont saigné leurs sujets ou leurs citoyens, et accessoirement ceux des Etats voisins, pour faire de la capitale ce qu’elle est aujourd’hui. Une ville certes difficile à vivre au quotidien, mais une destination rêvée pour les touristes du monde entier. Nos ancêtres ont sans doute payé au prix fort la munificence de leurs monarques, leur goût immodéré pour la conquête territoriale, leur obsession de la grandeur et leur fascination pour le bling-bling de l’époque. Mais bon, les sacrifices n’ont pas été vains : ils permettent à Paris de toucher aujourd’hui les dividendes de tous ces investissements somptuaires, et au pays d’encaisser les précieuses devises que ni ses hauts fourneaux, ni ses foies gras ne parviennent plus à capter. Moralité : l’investissement à long terme est l’œuvre exclusive de dirigeants affligeants mais allumés. Quand la Nation se dote d’un gouvernement affligeant mais normal, c’est qu’il n’y a plus assez d’argent dans les caisses pour financer l’entretien du patrimoine. Sic transit gloria mundi.

En dépit de son statut enviable d’aimant touristique, Paris n’en est pas moins sévèrement notée par ceux qui la visitent. Le plus récent classement de TripAdvisor, le « plus grand site de voyages du monde », met en valeur les travers de la Ville Lumière plus que ses atouts. Les Parisiens sont des têtes de lard, y compris les chauffeurs de taxi, ce qui vaut une banane en termes de convivialité. La preuve : même les résidents éminents préfèrent brader leur hôtel particulier pour se terrer en Belgique dans un abri de jardin. C’est grave. La ville offre une sécurité approximative et une propreté douteuse, en dépit de ses légions de motocrottes. La vie y est atrocement chère : pour ne pas se faire décaver, il faut aller à Lisbonne. Mais pour ça, il faut renoncer à la visite du Louvre et de la Tour Eiffel au profit de la morue à la portugaise, principale attraction du pays. Bref, il n’y a guère que sur les transports en commun que Paris sort des profondeurs du classement. C’est injuste. Car un critère déterminant a été négligé : la douceur démocratique. Qu’on en juge : l’autre capitale hollandaise, celle des Pays-Bas, est mieux classée que la nôtre. Et pourtant, Amsterdam vient de prendre une mesure tyrannique : l’usage du cannabis sera bientôt interdit dans les écoles. Incroyable : les mouflets ne pourront plus s’empétarder à la récré. On ne voudrait pas critiquer, mais un pays qui maltraite ainsi ses enfants ne devrait même pas faire partie du classement.

La recette du jour

Gestion et prohibition

Vous dirigez un pays qui fut autrefois mère des Arts, des Armes et des Lois. C’était le bon temps. Aujourd’hui, les touristes du monde entier viennent en admirer les vestiges décatis : vos colonnes de Buren, vos chars Leclerc et votre Constitution en carton. Le patrimoine fout le camp car il manque d’argent. Interdisez la fumette dans les ministères et le pays sera mieux géré qu’un coffee shop hollandais.

deconnecte