Passeport pour le paradis

Passeport pour le paradis

Chaque époque a les querelles byzantines qu’elle mérite. Lors de la prise de Constantinople, les théologiens du cru se querellaient à propos du sexe des anges, une question restée jusqu’alors pendante, si l’on ose dire. C’était au moins le témoignage d’une grande élévation d’esprit que de débattre d’un tel sujet, pendant que la ville était à feu et à sang. Aujourd’hui que le monde entier est assiégé par des désordres irréductibles, les chamailles byzantines se concentrent sur des aspects demeurés obscurs de la théologie fiscale : la nationalité du pékin détermine-t-elle son statut de résident fiscal ? Le thème revêt une importance capitale dans un pays comme le nôtre, car les Evangiles de la DGI sont assez sibyllines sur la question, donnant ainsi matière à des exégèses contradictoires. Si bien que dans l’incertitude, le contribuable concerné doit s’acquitter d’indulgences coûteuses pour obtenir l’absolution de ses péchés d’enrichissement – les plus graves qui soient en ces temps franciscains de paupérisation pieuse et solidaire.

Il n’est donc pas surprenant que se forment des hordes d’apostats, tentant de quitter le territoire avec leur fortune sur le dos, et désireux de se délivrer du fardeau de la nationalité française. Charité bien ordonnée commence par la crainte du percepteur. En devenant trop exigeante à l’égard de certains de ses fidèles, la religion nationale suscite nécessairement des vocations de mécréants : ce n’est pas minable, c’est seulement humain. Ce contexte schismatique constitue au moins une bonne nouvelle en cette saison de chasse aux cadeaux de fin d’année. Quand nos proches ont déjà tout – un grille-pain électronique, les œuvres complètes de Marx, une Rolex, une épouse ukrainienne, une berline de luxe, un château en Sologne et un coffre-fort au Lichtenstein – il est bien difficile de trouver quelque chose qui fasse plaisir. Et qui soit utile. Le cadeau tendance de l’année, c’est le passeport belge, suisse ou britannique, dont rêvent tous ceux qui vivent dans l’opulence et craignent de se retrouver sur la paille. L’ennui, c’est qu’il faut pas mal de temps pour en dégoter un qui soit authentique. Mais le plus difficile, c’est qu’il faut justifier de la pureté de ses intentions pour le mériter. Et entre nous, il n’y a que de mauvaises raisons pour briguer la nationalité britannique.

La recette du jour

Croisière fiscale

Vous êtes doré sur tranche et le gouvernement s’emploie consciencieusement à laminer votre trésor. Ne tentez pas de franchir la frontière belge : vous serez immédiatement conspué. Si vous êtes prévoyant, vous participez en ce moment à la Transat Panerai et vous voguez vers La Barbade. Arrivé à destination, restez-y : pour les impôts, c’est un paradis.

deconnecte