Poker géant à Bruxelles

Poker géant à Bruxelles

On est un peu essoufflé, ce matin, d’être revenu en courant de Bruxelles. Où se tenait une grande compétition de poker qui s’est achevée de bonne heure trente – les boîtes de nuit avaient déjà baissé le rideau. Les participants étaient un peu sonnés après un tel marathon, on s’en doute, bien que tous appartinssent au gratin international des bluffeurs professionnels. Car il faut un solide entraînement et des nerfs en titane pour figurer dans un tournoi où la blinde minimale est fixée au milliard d’euros. Un milliard de dettes, s’entend. Seuls peuvent donc concourir ceux qui ont beaucoup emprunté et ceux qui leur ont beaucoup prêté. Le but du jeu étant de se défausser du maximum de cartes sur les autres joueurs. A la fin de la partie, fixée dès potron-minet pour permettre à chacun d’être à l’heure au bureau, les résultats demeuraient incertains. Mais les statistiques étaient apparemment respectées : les principaux perdants sont ceux qui affichaient la cave initiale la plus élevée. C’est-à-dire la Grèce qui doit beaucoup et les banques qui lui ont beaucoup prêté.

On sait depuis longtemps que les banquiers refusaient tout net d’accorder un rabais supérieur aux 21% qu’ils avaient « consentis » de mauvaise grâce. Le consentement du créancier est capital, voyez-vous : il permet d’éviter la reconnaissance formelle du « défaut de paiement », une situation abominable aux conséquences incalculables. Oui, d’accord, ça revient au même : le débiteur ne paie pas ce qu’il doit. Mais avec le consentement, il le fait poliment, et le monde de la finance est très à cheval sur le protocole. Donc, après la partie, les créanciers seraient d’accord pour un rabais de 50%. Ce qui, selon les déclarations officielles, diminuerait de 100 milliards la dette grecque évaluée à ce jour à 360 milliards. Non, le compte n’y est pas : il doit falloir inclure les commissions au consentement. Quant à Athènes, son avenir serait éclairci : à l’horizon 2020, sa dette résiduelle ne représenterait plus « que » 120% de son PIB. C’est curieux : on croyait que la limite du soutenable était fixée à 60%. Il faut sans doute imputer ces approximations à la fatigue légitime des compétiteurs : la nuit a été longue. Voilà pourquoi ils ont décidé de jeter au pot commun toutes les erreurs de calcul. Ce réceptacle s’appelle le « Fonds de solidarité », le FESF. Une poubelle qu’ils ont discrètement sortie dans la rue avant de regagner leurs pénates. C’est bien essayé, mais les éboueurs bruxellois respectent scrupuleusement les consignes : ils ne collectent pas les déchets toxiques. Il faudra donc un autre sommet pour désigner ceux qui devront se les coltiner. La partie continue.

La recette du jour

Qui perd gagne

Vous découvrez tardivement que vos croyances anciennes étaient erronées : les créances ne sont pas nécessairement de l’argent. Organisez au plus tôt une partie de poker à laquelle vous convierez les plus grosses pointures du circuit. Misez l’intégralité de votre portefeuille. Si vous jouez finement, vous perdrez toute votre cave. Rentrez alors chez vous et dormez du juste sommeil du savetier.

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