Pour 10 milliards de (...)

Pour 10 milliards de plus

Les ministres méritent aujourd’hui notre compassion : pour leur premier Conseil de rentrée, le menu décline l’austérité. On ne sait si chacun doit amener son sachet de thé ou sa dosette de café, ni s’ils boiront de l’eau du robinet. Mais l’objectif est clairement posé : il leur faut trouver 10 milliards de plus sur le prochain budget. Car le déficit public doit être ramené à l’étiage réglementaire de 3% du PIB en 2013, afin que notre pays puisse conserver le Triple A de sa signature – un « trésor national » selon M. Minc, dont la parole est d’or, ce pourquoi ses conseils, dit-on, coûtent beaucoup d’argent. Est-ce compliqué de trouver une telle somme ? Apparemment, non : notre pays vient d’engager 15 milliards qu’il n’a pas pour « sauver » la Grèce du coma. Mais 10 milliards, c’est beaucoup lorsqu’il s’agit de ponctionner les citoyens, lesquels préfèrent ordinairement conserver leurs sous. Un contribuable, c’est un Auvergnat qui a le courage de ses opinions.

Heureusement pour nous, quelques riches Français ont emboîté le pas au milliardaire américain Warren Buffet et supplient l’Etat de les taxer davantage. On comprend le calvaire qu’ils ont enduré pendant ces longues années où les impôts ont à peine écorné leur argent de poche. Ainsi donc notre ministre du Budget propose-t-elle de prévenir le risque de marginalisation des intéressés, en créant une taxe spéciale sur les « revenus extravagants ». Avec la hardiesse d’un Sans-culotte, le rapporteur du budget en a même chiffré le montant : 1% à 2% sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Tout de même, il ne faut pas exagérer, monsieur Carrez : les « Extravagants » ont exigé un impôt, pas la spoliation. On observera combien le vocabulaire fiscal témoigne de l’évolution de la société. La France mitterrandienne instaura l’impôt sur les « grosses fortunes », l’IGF, une appellation aux tonalités de Front populaire, qui inspire le respect au bourgeois et l’aversion au populo. Puis l’IGF est devenu l’ISF, conférant ainsi à l’accumulation patrimoniale sa légitimation sociale. Maintenant que le processus a accéléré la concentration de la fortune dans un nombre de mains limité, le caractère « extravagant » de la situation apparaît même aux yeux de ministres peu suspects d’avoir été nourris au biberon du léninisme. L’ennui, c’est qu’il faudrait confisquer l’essentiel des très hauts revenus pour obtenir un impact budgétaire sensible. Selon quoi la classe moyenne est fiscalement plus rentable que les contribuables dorés sur tranche. Dommage qu’elle ait été vendue à découvert.

La recette du jour

Menu d’austérité

Il est temps d’imposer à votre maisonnée les restrictions qu’exige la dureté des temps. Servez le caviar en verrine individuelle, supprimez les œufs brouillés à la truffe du petit-déjeuner. Si cela ne suffit pas, négociez les factures de vos fournisseurs et bloquez les gages de la domesticité. Il n’y a pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui fassent des sacrifices.

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