Prosit !

Prosit !

En toutes occasions l’Allemagne justifie sa position revendiquée de modèle de la réussite européenne. Nos voisins travaillent dur pour produire des biens industriels recherchés dans le monde entier. Ils ont accepté une bonne décennie de gel des rémunérations pour préserver leur compétitivité et limiter l’exode de leurs usines. Ils ont validé leur départ à la retraite à l’âge de 67 ans, quand les techniciens de l’Opéra de Paris bloquent les spectacles, pour marquer leur refus de cesser l’activité dix ans plus tôt. Nos voisins épargnent comme des Auvergnats pour secourir les Grecs qui glandent sous leurs oliviers, partent à la retraite dès la puberté et claquent leur pension en fanfreluches antidotées. Bref, si les tous les Européens les imitaient, les Etats seraient prospères, les banques dorées sur tranche et l’huile d’olive grecque de meilleure qualité. Le seul reproche qui soit adressé aux Allemands, c’est de ne pas consommer suffisamment. Eh bien, l’accusation est parfaitement injustifiée.

La preuve vient d’en être apportée à l’occasion de la traditionnelle Fête de la bière à Munich : l’Oktoberfest, que les Bavarois célèbrent depuis les épousailles de Louis Ier avec Thérèse de Saxe-Hildburghausen. Othon, le deuxième de leurs enfants, fut d’ailleurs Roi de Grèce, après le refus de Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha d’assumer cette charge – il préféra la pils du Royaume de Belgique à l’ouzo hellénique, chacun son goût. Bref, pour l’Oktoberfest qui a réuni cette année 6.9 millions de visiteurs, il s’est consommé 75.000 hectolitres de bière. De quoi doper l’industrie du houblon et celle de la fabrication de pissotières. L’explication de cette beuverie, qui n’aurait provoqué que 777 comas éthyliques, est toute simple : la chope bavaroise contient un litre. Rien à voir avec notre chichiteux verre à demis : comme son nom ne l’indique pas, il ne contient qu’un quart de litre. Nous sommes des petits joueurs. En tout cas, les Munichois nous délivrent la recette de la croissance : il nous faut changer nos unités de mesure. Si vous commandez un blanc sec au zinc, que l’on vous en serve une bouteille ; si vous choisissez le poulet rôti au restaurant, que l’on vous amène la bestiole entière. Pour le steak, évidemment, mieux vaut venir en famille. Voilà où conduit la modération : à force de surveiller notre ligne, nos triglycérides et notre cholestérol, notre économie s’en trouve toute anémiée. Bon, on vous laisse : on a mis un tonneau de bordeaux en perce pour le petit déjeuner.

La recette du jour

Prospérité à l’allemande

Vous pilotez les destinées de votre pays et vous avez compris que son aisance tient à la vigueur du commerce. Mais vous redoutez la surcharge pondérale et les crises de goutte. Produisez moult machins industriels et force charcutailles que vous vendrez à vos voisins. S’ils n’ont pas d’argent, prêtez-leur le vôtre. Vos concitoyens seront fortunés mais tristounets : une fois par an, laissez-les se torcher le nez.

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