Romney bien baraqué

Romney bien baraqué

On comprend pourquoi vous êtes un peu vaseux ce matin : vous avez suivi le duel télévisé des candidats à la présidentielle américaine. Ces Yankees ne peuvent décidément rien faire comme les autres : jusqu’à s’installer sur un fuseau horaire différent du nôtre. Une telle arrogance leur vaudra sûrement les propos acides des commentateurs ensommeillés, et ça ne sera pas volé. Sauf celui du Figaro.fr, un couche-tôt qui s’est habilement exempté d’une nuit blanche en rappelant les moments décisifs des débats antérieurs, ces épisodes anecdotiques qui seraient directement responsables du succès ou de l’échec des candidats. Bien vu. Car dans la pièce qui se joue, le contenu des programmes constitue certes le scénario convenu ; mais c’est le talent des acteurs qui fait la différence. Une grosse boulette dans le texte, une posture malvenue, un costume fripé déclenchent les huées ; une saillie spirituelle, une répartie bien sentie, un brushing artistique provoquent le courant de sympathie qui fait la différence.

Ainsi nous rappelle-t-on que face à Kennedy, Nixon perdit la mise à cause de son costard de croque-mort et de son menton mal rasé. Si bien que Kennedy dut la victoire à son tailleur italien et à son barbier irlandais. Pour le débat Obama-Romney, ce sont surtout les spectateurs qui se sont barbés. Les Américains n’en sauront pas vraiment plus sur la façon opportune de sortir le pays de l’ornière économique, sauf par les poncifs des deux camps – qui ont jusqu’à ce jour échoué ; les Etrangers ne peuvent préjuger si la politique belliciste du Prix Nobel de la Paix sera amendée ou renforcée par le challenger républicain. En tout cas, sous l’angle du spectacle, les jeux sont faits : présenté comme spécialiste de la bourde et un tantinet ras-du-bonnet, Romney a tenu l’émission sans gaffer et s’est montré autrement plus enjoué que le tenant du titre, ténébreux et constipé. Au terme de ce premier débat, le Républicain a sans conteste gagné des points. On ne préjugera pas ici des chances respectives des compétiteurs : pour les non-Américains, l’issue est quasiment indifférente. Car depuis la naissance de l’Union fédérale, ce constat n’a jamais été démenti : la politique du pays est principalement dictée par la Chambre de commerce américaine et son bras armé, Wall Street. Comme le démontre le mandat d’Obama : initié sous les auspices de la « rupture », il s’achève sous le signe d’une navrante continuité. Il en résulte au moins un avantage : pour les deux prochains débats, vous pourrez rester couché.

La recette du jour

Carrière démocratique

La justice, selon Samuel Johnson, c’est quand on gagne le procès. La démocratie, c’est quand on gagne les élections. Apprenez la diction à la Comédie française, la rhétorique chez les Jésuites, la répartie dans le 9-3, l’élégance chez Armani et la mauvaise foi à la télévision. Vous détiendrez tous les atouts pour faire une carrière de parfait démocrate.

deconnecte