Schumpeter et les moulins

Schumpeter et les moulins à vent

On a une pensée émue pour Joseph Schumpeter, ce matin. Vous vous souvenez de lui : c’est le père de la « destruction créatrice ». Une sorte de jardinier de l’économie dont Obama a découvert tardivement l’œuvre, l’année dernière, lorsqu’il a vu poindre les « jeunes pousses » de la reprise sur l’humus des industries délocalisées. Mais il a dû noyer les plants en herbe sous son torrent de dollars : il n’a pas la main verte, le président yankee. Ou il n’a bien compris le manuel de Schumpeter. Les travaux de ce dernier doivent également constituer le livre de chevet des tribunaux de Commerce, eux qui prennent régulièrement pour les entreprises des décisions interdites dans la médecine humaine : l’euthanasie. Et dans la grande majorité des cas, la décision de débrancher le tuyau de survie assistée est salutaire pour tout le monde. Même si, évidemment, elle accélère un processus inévitable : la fin du contrat de travail des salariés. Dans le cas de SeaFrance, on a un peu de peine à comprendre les développements d’un dossier qui semble pourtant clair : en l’état, l’entreprise est moribonde. Une nouvelle transfusion de capitaux ne ferait que repousser d’un chouïa l’échéance. Le diagnostic schumpetérien s’impose, même si Eurotunnel, concurrent désargenté des ferries, se propose tout à coup de racheter SeaFrance. Pour mieux la couler, sans doute, et dépiauter l’épave.

On a également une pensée émue pour James Tobin. Lequel avait en son temps pressenti les dommages collatéraux à attendre de la spéculation sur les devises. Que l’on pouvait prévenir en instaurant une lourde taxe sur les échanges. Sans renoncer au fondement de son analyse, Tobin finit par admettre que sa taxe était un nouveau prototype de fausse bonne idée : pour être efficace, il faudrait une taxation significative, qui perturberait gravement les échanges réels. Et dont les effets pénaliseraient davantage la collectivité que les spéculateurs. Trop faible, la taxe ne ferait que soigner la bonne conscience des décideurs. Dans tous les cas, l’addition serait à la charge du pékin qui n’y est pour rien. Voilà pourquoi on peut s’étonner de l’offensive soudaine et donquichottesque de notre pays, en faveur d’une mesure à la portée douteuse et qui devrait recueillir l’assentiment du monde entier pour produire ses effets. Entre nous, il est sans doute plus facile d’interdire les pratiques spéculatives que d’en taxer les profits. Plus facile de bloquer le zéphyr que de ferrailler en vain contre les moulins à vent.

La recette du jour

Culture et jardinage

Votre êtes un jardinier assidu mais votre lopin devient de plus en plus radin. Désormais, les semences vous coûtent plus cher que votre production. Laissez tout tomber. Si personne ne veut racheter votre jardinet, lisez Schumpeter. Si votre culture économique ne vous rapporte rien, plongez-vous dans Don Quichotte. Vous resterez pauvre, mais dans la bonne humeur.

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