Solécisme diplomatique

Solécisme diplomatique

On se gausse ce matin sur le Net des félicitations officielles de l’Elysée pour la réélection d’Obama. Ou plus exactement, on brocarde la touche personnelle que notre Président a apportée à la lettre en question, avec un ajout manuscrit qui introduit une novation hardie dans la pratique ordinaire de la langue anglaise. « Friendly » a-t-il collé avant sa signature, pour traduire à la frenchy un « amicalement » que les anglophones vont comprendre plutôt comme « ton pote François ». Ce qui est non seulement abusif, les deux hommes n’ayant jamais foulé les mêmes cours de récré, mais encore assez cavalier dans un courrier diplomatique. Lequel requiert par convention un formalisme de bon aloi, enrobant les messages subliminaux qu’autorisent les finasseries de la langue. Autrefois, le Quai d’Orsay était maître dans cet exercice ; aujourd’hui, les congratulations obligatoires à un puissant Chef d’Etat prennent l’allure de flagorneries de courtisan ou d’acte d’allégeance de vassal. Sans doute l’Elysée s’honore-t-il de limiter ses dépenses de personnel en ces temps difficiles ; mais confier le courrier diplomatique à des stagiaires mal dégrossis emporte des conséquences plus lourdes qu’un solécisme présidentiel.

Les financiers américains ont, quant à eux, envoyé à Obama leur message de félicitations. En faisant hier chuter les indices boursiers. Et la déprime de Wall Street a entraîné avec elle tous les marchés de la planète. La finance yankee n’a pourtant pas eu trop à souffrir du premier mandat d’Obama, pour être parvenue à anesthésier les tentatives de réglementation du secteur. Mais apparemment, Wall Street croyait fermement au succès du candidat républicain, en témoigne la rage publique de quelques poids lourds de cette faction. Voilà qui laisse planer des doutes sérieux sur l’appel à la réconciliation nationale du nouvel ancien président. Grâce à laquelle il serait possible de s’accorder sur les moyens de franchir la « falaise budgétaire », à savoir le pic d’endettement du pays qu’il faudra dépasser si les States ne veulent pas s’exposer à des coupes budgétaires automatiques, ou à la honte du défaut de paiement. A ce stade, il semble bien que les grands partis soient plus enclins à radicaliser leurs positions qu’à embrasser l’« union nationale » qu’Obama appelle de ses vœux. Le Président trouvera-t-il la voie appropriée à l’apaisement ? Nul ne le sait. Mais au moins faut-il lui reconnaître un atout : il maîtrise parfaitement la rhétorique diplomatique, lui.

La recette du jour

Relations friendly

Vous avez de hautes responsabilités et donc de nombreux adversaires. Couvrez la réussite de vos ennemis de flagorneries outrancières : ils vous craindront davantage pour votre courtoise perfidie. Modérez les éloges à vos alliés déclarés : ils apprécieront que vous n’abandonniez pas votre esprit critique à la préservation de l’amitié.

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