Solidarité au boulet

Solidarité au boulet

Qu’est-ce qu’un gouvernement « d’union nationale » ? Le concept est assez hardi dans une démocratie parlementaire : il consiste à renoncer à toute différenciation politicienne quand surgit un écueil politique majeur. Pour les représentants des diverses factions, Il consiste alors à abandonner provisoirement leur compétition sur les thèmes secondaires, accessoires ou simplement futiles, qui constituent l’ordinaire de la vie publique, pour se consacrer à un seul sujet important, qu’ils ont jusqu’à ce moment ingénument négligé. Et qui finit par leur péter au nez, bien entendu. Tel fut le cas chez nous de l’union sacrée réclamée et obtenue par le Président Poincaré à la veille de la Première guerre, bien que les syndicats ouvriers fussent très remontés contre l’idée d’un conflit (à juste titre, vu le prix qu’ils ont payé). Mais bon : le contexte extérieur commandait alors de sacrifier la lutte des classes à l’intérêt supérieur de la Nation. Bref, l’unanimisme politique dans un pays est habituellement le prélude à quelque méchante catastrophe.

Les Grecs ne sont ouvertement en conflit militaire avec personne, en dépit de l’arsenal que ses frères en Europe lui ont aimablement fourgué, pour le plus grand désarroi des finances publiques. Mais ils ont des comptes à régler avec leurs créanciers, qui sont aujourd’hui les adversaires les plus résolus de la souveraineté athénienne. Avec la formation en cours d’un gouvernement d’union nationale, réunissant des personnalités qui ont chez elles autant d’aura que les proscrits de la Grèce antique, le pays innove dans le recours à l’unanimisme politique. Il s’agit en l’espèce d’offrir un front uni au profit des intérêts extérieurs, qui exigent la thérapie des médecins de Molière : la saignée. En d’autres termes, la mise à sac du pays et le boulet d’une dette incompressible au pied des populations. Il faut bien admettre que la Grèce a géré son pays comme un claque de quartier, encouragée dans ses bidouillages par les souteneurs machiavéliques du monde de l’usure et de celui du commerce des canons. Mais enfin, dans un pays comme le nôtre, bien que tardivement converti aux vertus de la démocratie, voilà longtemps que l’on a renoncé à infliger le bagne aux débiteurs défaillants. Comment peut-on accepter d’imposer ce même châtiment au peuple qui a inventé les valeurs que nous jugeons aujourd’hui universelles ? La solidarité européenne est décidément une notion difficile à appréhender.

La recette du jour

Musique d’hiver

Vous êtes victime des dérèglements climatiques : l’été s étant prolongé au-delà du calendrier ordinaire, vous avez chanté plus longtemps que prévu. A la première bise, sollicitez l’indulgence de vos créanciers. S’ils restent fermes, formez une union sacrée dans votre famille. Et promettez les sacrifices appropriés à vos engagements : vous obtiendrez une rallonge. Dès le printemps suivant, ce sont vos banquiers qui ne chanteront plus.

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