Surcote du thon

Surcote du thon

Finalement, ce n’est pas très pratique d’aller faire son marché du week-end à Tokyo. Pas étonnant que les compagnies aériennes soient en difficulté : les horaires de vol sont plutôt mal agencés et pour les cabas, il n’y a pas en cabine de compartiment réfrigéré. C’est nul. A vous dégoûter de faire payer par la boîte un billet à-peu-près confortable en business class. Pourtant, il y a des événements que tout honnête homme ne saurait manquer. Comme la première criée de l’année à Tsukiji, le plus grand marché au poissons de la planète. Il fallait absolument être présent à celle du 5 janvier car en 2014, le marché sera déplacé à Toyosu, après des années de joutes intestines à propos du transfert de ce souk en des lieux plus spacieux et moins exposés au risque sismique : imaginez un peu les dégâts qu’occasionnerait un tsunami dans les étals, maintenant que les poissons japonais sont gavés de métaux lourds et aussi sains que ces produits du siècle dernier, au temps des miracles de la radioactivité. L’ennui, c’est que le futur site aurait été méchamment pollué par les usines qui occupaient autrefois les lieux. Mais dans les grandes métropoles nipponnes, les sols salubres sont aussi rares que les politiciens honnêtes.

On aurait donc bien aimé ramener un thon rouge, celui avec lequel les Japonais confectionnent leurs sushi et sashimi préférés. Ils se damneraient pour le ventre bien gras d’un thunus thynnus et acceptent de payer des fortunes pour une simple lichette. Si bien que votre serviteur n’a pu surenchérir pour une pièce de plus de 200 kilos, qui a finalement été adjugée à presque 1,4 million d’euros : les retraits sont plafonnés aux distributeurs de billets. En tout cas, ce record de prix a permis à la presse française de distiller quelques propos fielleux à l’égard des Tokyoïtes, qui surpaient outrageusement une espèce qu’ils continuent d’exploiter en dépit de la menace d’extinction. Si bien que pour échapper aux appétits nippons, les thons en surpoids sont obligés de migrer dans des eaux plus froides. Est-il judicieux de critiquer l’arête dans l’œil du voisin quand on a un os de mammouth dans le sien ? Si l’on en croit les gazettes, nous autres donneurs de leçons acceptons de payer des fortunes aux poids lourds du grand écran. Comparé au kilo de cachet français, le prix du thon rouge japonais serait plutôt bon marché.

La recette du jour

Conserve de gras

Vous êtes un grand gaillard en surpoids et vous cherchez un emploi. Si vous êtes un thon rouge, votre fortune est faite sur le marché de Tsukiji. Dans le cas contraire, deux options : vous êtes sportif et vous embrassez une carrière de sumo. Sinon, devenez acteur-charcutier-viticulteur. Et avant de vous faire cuisiner par le fisc français, allez planquer vos talents en mer des Barents.

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