Titan met la gomme

Titan met la gomme

Notre pays devrait décerner une médaille au patron de Titan. Pas parce qu’il refuse d’ajouter à son portefeuille l’usine de pneumatiques d’Amiens – il a le droit d’éviter une mauvaise affaire. Mais parce qu’il dit pourquoi il n’en veut pas. Avec cette franchise à carcasse radiale d’un grizzly yankee. On lui doit ainsi deux exploits qui relèvent des travaux d’Hercule : le premier, c’est d’avoir réuni contre lui les protestations communes du ministre du Redressement productif et de la présidente du Medef, deux personnalités qui avaient jusqu’à ce jour quelques difficultés à copiner. Voilà une étape décisive dans l’abrogation de la lutte des classes. Le deuxième exploit n’est pas moindre et va épargner à la Maison France une petite fortune de budgets promotionnels : en ne travaillant que 3 heures par jour, selon Maurice Taylor Jr, le salarié français parvient à se situer à un niveau enviable sur l’échelle internationale de la productivité. On imagine sans peine un scénario rose : il suffit que les employeurs parviennent à convaincre leurs troupes de cesser de feignasser pour que le pays explose les ratios de compétitivité. Le rapport Gallois, au panier.

Bien sûr, Mr Taylor is rich. Ce pourquoi ses propos sont taillés à la serpe et riches de généralisations outrancières : tous les salariés n’ont pas le sentiment d’être « trop payés » et toutes les firmes françaises n’ont pas le profil de Goodyear Amiens – heureusement pour elles. Car il semble bien que cet établissement se distingue par les pratiques déstabilisantes de son syndicat majoritaire. Et que les allégations de Junior, quant au temps de travail effectif, soient à peine exagérées… Il est tout-à-fait évident que le cocktail de taylorisme et de globalisation attente gravement à la santé financière des salariés. Les inquiétudes sur l’avenir du travail sont donc légitimes. Mais la solution ne peut résider dans l’assassinat délibéré de l’entreprise et la ruine orchestrée des entrepreneurs. Chacun aurait sans doute avantage à se remémorer le mot de Voltaire : « Gardez-moi de mes amis ; mes ennemis, je m’en charge ».

La sentence du jour

Pour éviter de rouler sur le chemin de la bonne conscience avec des pneus lisses, méditer cette sentence d’Antoine Gombaud, Chevalier de Méré et contemporain de Pascal :

« L’envie ordinairement détruit tout ce qu’elle ne peut acquérir. »

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