Tobin or not Tobin

Tobin or not Tobin

On finit par ne plus comprendre ce qui empêche vraiment les Etats de mettre en place la fameuse taxe sur les transactions financières, dite « taxe Tobin », dont le principe figure depuis longtemps dans le Code général des impôts français, comme nous l’avons souligné ici. Il y aurait pourtant une bonne raison, mais c’est la seule qui ne soit jamais invoquée : le Nobel James Tobin avait lui-même fini par douter de la pertinence de sa proposition, qui visait les transactions de devises afin de limiter la volatilité des cours de change. Sans doute avait-il dû affronter une armée de théoriciens du libéralisme, chargés de défendre le poulailler libre d’un marché dont l’ampleur est considérablement plus élevée que le montant des échanges commerciaux auquel il est supposé correspondre. Etendre l’application de ladite taxe à toutes les transactions financières, c’est créer un gisement fiscal d’une profondeur abyssale ; c’est garantir aux Etats un flux continu de ressources bienfaisantes en ces temps de décrépitude budgétaire généralisée. Une sorte de miracle. Sous réserve, bien entendu, que tous soient d’accord pour taxer. Afin d’éviter que des petits malins ne créent chez eux un paradis et se mettent à truster toute l’activité financière de la planète.

L’histoire finit donc par se résumer à une affaire de bonne foi, ou de morale, si l’on préfère : Tobin or not Tobin, that is the question. Une dimension shakespearienne pour un sujet qui relève de l’épicerie budgétaire et des profits récurrents de la spéculation financière. Autant de considérations qui font mauvais ménage avec les préoccupations existentielles, que les autorités politiques enferment prudemment sous clef au fond de leur bibliothèque. Mais quelles que soient les conséquences, incertaines à ce jour, d’une telle taxation, aucun gouvernement ne peut raisonnablement s’opposer à sa mise en place. Comme le dopage dans le milieu sportif : certes, sa prohibition universelle n’empêche pas sa pratique de perdurer. Mais elle la freine. De la même façon, la loi et la réglementation peuvent calmer les angoisses métaphysiques de l’espèce. Voyez le Maire de Falciano del Massico, une petite commune du périmètre napolitain. Sa ville est dépourvue de cimetière et il ne parvient pas à s’accorder avec son homologue du voisinage pour loger ses défunts. Il a donc décrété l’interdiction absolue de mourir sur son territoire. D’accord, on dénombre déjà quelques contrevenants mal embouchés. Mais quiconque aspire à la vie éternelle sait désormais où habiter. A la condition expresse de respecter scrupuleusement la loi, bien entendu.

La recette du jour

Tranche de vie napolitaine

Vous n’échappez pas aux interrogations métaphysiques communes à l’espèce. Ni à l’angoisse que fait naître la perspective de votre finitude. Adhérez au pari de Pascal, qui constitue un solide passeport pour la sérénité. Et à titre d’assurance complémentaire, déménagez à Falciano del Massico. Payez vos impôts et respectez la loi : vous vivrez éternellement. Si ça ne marche pas, faites un procès au Maire.

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