TVA et indigestion

TVA et indigestion

Heureux temps que celui du petit village gaulois chamailleur et indiscipliné d’Astérix. Certes, les querelles intestines y étaient monnaie courante et le sesterce monnaie unique. Rien n’a vraiment changé aujourd’hui, sauf que la Commission européenne siège à Bruxelles et plus à Rome. Heureux temps où la potion magique du druide préservait la cohésion populaire, au lieu de doper la popularité des cyclistes. Heureux temps où après une bonne peignée, on fêtait la réconciliation autour d’un banquet orchestré par Bonemine, la femme du Chef. Ce mode de pacification est devenu rare et promet d’être bientôt impossible. Non que les sangliers et les chanterelles aient disparu, ni que le Chef soit privé d’une compagne au caractère bien trempé, ni que les descendants des Gaulois aient perdu le goût de la ripaille. Mais les temps modernes ont introduit un irréductible facteur de discorde, attentatoire à l’appétit d’un peuple chicaneur : la TVA.

Dans un pays comme le nôtre, orgueilleux de sa gastronomie, le restaurant est un lieu de culte même s’il est tenu par un grand-prêtre gâte-sauce. Son accès doit donc être démocratique. L’ennui, c’est que l’intendance coûte cher et que la loi du marché est formelle : plus l’addition est élevée, moins de clients peuvent y avoir accès. En foi de quoi le précédent gouvernement allégea-t-il vigoureusement la taxe sur les repas pris hors de chez soi. En échange de la promesse des exploitants d’abaisser leurs prix, de recruter du personnel et de mieux le rémunérer. Ce qui s’est produit. Mais dans les limites compatibles avec les canons de l’économie classique, imposant au restaurateur de mieux faire son beurre. Devenu impécunieux, le Trésor estime donc avoir été mal récompensé de ses largesses passées (3 milliards de manque à gagner). Chacun connaît par avance les conclusions du rapport qui sera remis aujourd’hui à l’Elysée : il faut remonter le taux de TVA applicable à la restauration. Et là commencent les véritables ennuis. Appliquer le taux normal, c’est assurément mettre en péril bon nombre de petits établissements qui ne survivront pas à la majoration de leurs prix. C’est alors généraliser la restauration industrielle, déjà bien implantée, dans laquelle le « cuisinier » se contente de réchauffer les plats provenant que l’usine la plus proche. En termes d’emplois, le coût promet d’être élevé. La deuxième option consiste à relever de quelques points le taux réduit actuellement en vigueur. Mais alors, ce nouveau taux devra s’appliquer à toutes les activités qui bénéficient dudit taux réduit, conformément à la réglementation européenne (sous réserve des quelques dérogations temporairement en vigueur). Dans cette hypothèse, le gouvernement devra conjointement affronter le syndicat des hôteliers-restaurateurs et ceux des métiers du bâtiment. Voilà qui devrait bétonner des réactions houleuses, faute de pouvoir sceller la réconciliation avec un banquet bon marché.

La recette du jour

Tour des tables

Vous nourrissez légitimement une grande affection pour la cuisine des grands chefs. Hâtez-vous de régaler vos fantasmes en entamant un tour de France des tables étoilées. Ce sera bientôt inaccessible au pékin. Si vous êtes historien de la gastronomie, rendez-vous chez Drouant pour le déjeuner des Goncourt : le menu ressemble à celui servi à César pour son retour de la guerre des Gaules.

deconnecte