Verba volant, scripta

Verba volant, scripta manent

Vous le connaissiez, vous, Mariano Rajoy ? Le succès éclatant de son parti aux législatives va le conduire à la présidence du Gouvernement espagnol. Et obliger les journalistes de télé et de radio du monde entier à apprendre la prononciation correcte de la « jota » de son nom, ce qui est autrement plus difficile que de diriger un pays en crise. Mariano n’est pourtant pas un homme nouveau dans le paysage politique ibérique : plusieurs fois ministre sous Aznar, il est devenu leader de l’Opposition en 2003. Seulement voilà : huit ans de domination continue du PSOE, dans un pays profondément marqué à gauche, et son existence avait été gommée dans nos médias – nous qui sommes pourtant de proches voisins. Une négligence d’autant plus coupable que l’arrivée au pouvoir de Rajoy revêt un caractère prophétique : à l’âge de 24 ans, il fut le plus jeune Conservateur des hypothèques de l’histoire du pays. Ce qui le prédispose à une gestion très technicienne de l’Espagne contemporaine, hypothéquée jusqu’aux castagnettes. Voilà sans doute pourquoi les Bourses asiatiques, ce matin, se contentent d’une modeste langueur, après les épreuves de la semaine dernière.

Vous le connaissez, vous, Antonis Samaras ? Si la réponse est non, ce n’est pas pardonnable : il affiche 35 ans de vie politique grecque. Et s’est rendu célèbre par son intransigeance dans « la question du nom  », celui de la Macédoine, dont la Grèce estime détenir le copyright et refuse d’en concéder la licence à des métèques. Lesquels ne peuvent donc toujours pas adhérer à l’Union européenne, faute d’être en mesure de justifier leur état-civil. Samaras fut même Ministre de la Culture dans le deuxième gouvernement de Karamanlis (en 2009), ce qui ne l’empêche pas d’ignorer les illustres intellectuels de la Grèce antique. Zénon d’Elée, par exemple, le père de la dialectique. Car Samaras vient de semer la zizanie dans le gouvernement d’union nationale fraîchement désigné. En refusant, au nom de son parti, de signer les engagements d’austérité qu’exige la « troïka », en contrepartie de l’octroi du crédit d’urgence destiné à prémunir la Grèce contre la faillite imminente. Pas besoin de signer, « ma parole suffit  », affirme Samaras, laissant entendre mezzo voce qu’après les élections de février prochain, la victoire de sa faction l’autorisera à exiger la renégociation des conditions avec l’UE. Oh, ce n’est pas raisonnable, Antonis. Vous mettez tout le monde dans l’embarras ; chacun sait bien que votre pays ne pourra jamais payer ses dettes, là n’est pas la question. Mais vous pourriez au moins faire semblant d’y croire. Comme les autres. Mieux vaut vous en tenir à la culture grecque et suivre les préceptes du dialecticien Zénon. Plutôt que de vous accrocher au laïus scrogneugneu du Romain Caius Titus. C’est à cet obscur jurisconsulte que l’on doit la sentence célèbre : « Verba volant, scripta manent  ». D’accord, les paroles s’envolent et les écrits restent. Mais les écrits s’envolent aussi, quand nécessité fait loi.

La recette du jour

La dialectique Samaras d’Elée

Vous avez décidé de moderniser la gestion de vos affaires. C’’est une bonne idée, en ces temps compliqués. Adoptez la dialectique Samaras. Voyez votre banquier et tenez lui ce langage : « Aboulez la monnaie, s’il vous plaît. Et entre nous, pas question de contrat ni d’engagement écrit. Ma parole suffit. Jusqu’à ce que je change d’avis ». Si vous obtenez du crédit, vous avez l’étoffe d’un futur Premier ministre grec.

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