Vœux aux triskaïdékaphobes

Vœux aux triskaïdékaphobes

Si vous parvenez à réchapper aux dommages collatéraux du Nouvel An (cerveau en vrac, foie en rébellion, moral dans les chaussettes), alors l’année qui s’annonce se présente sous les meilleurs auspices. Car vous avez survécu aux multiples calamités qui ont émaillé l’exercice 2012 : vous n’étiez pas sur le Concordia lors de son naufrage, ni à New York lors du passage de Sandy ; vous avez brillamment évité la fin du monde ; les banquiers ne vous ont pas sucré votre triple A ; vous n’avez pas été élu président de la République ; votre conjoint ne s’adonne pas au tweet ingénu ; vous avez provisionné vos suppléments d’impôts et le Conseil constitutionnel, dans sa grande mansuétude, vous a épargné la surtaxe de 75% - un leurre pour poisson d’avril que des fonctionnaires espiègles ont bricolé à la cafète de Bercy. Ça a marché : de beaux brochets sont allés repeupler le vivier fiscal de nos voisins belges. Vous pensez en conséquence qu’après la pluie vient le beau temps et que l’orage ne dure jamais, comme l’a si bien exprimé le grand poète Johnny Halliday, lequel a quand même préféré abriter son inspiration sous le climat tempéré de Gstaad. Vous êtes convaincu que le pire est derrière nous et que vous pouvez de nouveau envisager l’avenir avec sérénité. Vous avez sans doute raison : tout devrait aller mieux désormais. Au moins jusqu’au 3 ou 4 janvier.

En foi de quoi nos bons vœux ont-ils toutes chances d’être exaucés. On vous souhaite une santé meilleure que celle de la Sécu et une prospérité supérieure à celle du Trésor – vu l’état de l’une et de l’autre, l’objectif demeure très raisonnable. Mais si vous êtes né sous le signe de la triskaïdékaphobie (l’angoisse du chiffre 13), alors votre horoscope se présente plutôt mal – par le siège, diraient les astrologues gynécologistes. Car il vous faudra vivre toute l’année avec les tripes nouées. A moins que vous ne soyez également paraskevidékatriaphobe : vous pourrez rester cool jusqu’en septembre, avant d’affronter la terreur du premier vendredi 13 de l’année. Entre nous, si rien de fâcheux ne se produisait avant la fin de l’été, l’an 2013 serait le plus paradisiaque depuis… oh, depuis des temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître. Mais faut pas trop rêver, même le 1er janvier. Moralité : pour l’année qui vient, seuls les superstitieux peuvent se réjouir. Car ils devraient être largement exaucés de leurs angoisses.

La recette de l’année

Ordonnance pour 2013

Vous êtes un superstitieux pathologique et redoutez que 2013 ne soit un enfer. Il est urgent de débuter le traitement. Evitez le cannabis, le LSD et la télé, que la Sécu refuse de rembourser. Optez pour le Pétrus 45. Et si votre mutuelle proteste, rabattez-vous sur le Lafite 82, qui n’est pas mal non plus. Posologie : 1 bouteille par repas, petit-déjeuner compris. Le médicament n’empêchera pas les catastrophes, mais il vous rendra philosophe.

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