Lanceurs d'alerte : (...)

Lanceurs d’alerte : encore fragiles, même si la loi les protège bien... en principe

La loi protège les lanceurs d’alerte et encadre leurs "activités", mais son application reste parfois délicate et ne met pas forcément à l’abri de représailles.

La "boulette" de Donald

Alors que la législation américaine protège en principe l’anonymat des lanceurs d’alerte, Donald Trump n’a rien trouvé de mieux pendant les fêtes que de tweeter inconsidérément, livrant à ses 68 millions d’abonnés l’identité de celui qui a révélé "l’affaire ukrainienne" dans laquelle le président US est embourbé. Une boulette (volontaire ? ), qui souligne la fragilité de ceux qui veulent porter des turpitudes supposées sur la place publique au nom de la justice.

Qui protège qui ?

Edward Snowden, ancien employé de la NSA et de la CIA qui révéla l’espionnage planétaire mené par ses employeurs alors qu’il était soumis au devoir de réserve, Julian Assange qui dénonça les télégrammes secrets de la guerre d’Irak (affaire Wikileaks), et quelques autres ont déjà payé très cher leur militantisme de la transparence. Dans les pays anglo-saxons, les lois sont surtout protectrices... pour les états.

En France

En France, la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite "Sapin 2", a créé un régime général pour la protection des lanceurs d’alerte à qui elle donne une définition assez large. Il s’agit "d’une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France (...) dont elle a eu personnellement connaissance". Les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont cependant exclus du régime de l’alerte.

Le mode d’emploi

Le lanceur d’alerte doit d’abord alerter sa hiérarchie d’un dysfonctionnement. Si rien n’est fait, il peut alors alerter "l’autorité compétente" en se mettant en relation avec les autorités administratives ou judiciaires compétentes.
En cas de danger grave et imminent, ou si "l’autorité compétente" n’a pas "bougé" au bout de trois mois, il est alors légalement possible d’alerter directement la presse et l’opinion publique.
Un journaliste ne peut être considéré comme un "lanceur d’alerte" si des informations concernant une entreprise lui sont révélées par un employé de celle-ci...

Digital

Pour obtenir la marche à suivre, contacter le site www.defenseurdesdroits.fr. Dans certaines entreprises, il existe une "solution" digitale conforme à la loi Sapin 2 qui offre aux lanceurs d’alerte un canal de signalement garanti sécurisé et confidentiel (certification ISO 27001, conformité RGPD, etc.)

Code pénal

Selon la loi, le lanceur d’alerte ne peut faire l’objet de représailles professionnelles ni personnelles. Pénalement irresponsable - article 112-9 du code pénal), il doit être réintégré dans son emploi en cas de licenciement. Son identité est confidentielle, sauf pour l’autorité judiciaire. Le fait de "dénoncer" un lanceur d’alerte et de révéler son état civil est puni de 30 000€ d’amende et deux ans d’emprisonnement : ce serait en théorie la peine encourue par Trump en France pour avoir permis l’identification de celui qui a révélé "l’affaire ukrainienne".

Des difficultés

Si tous les grands groupes sont en conformité avec la loi Sapin 2, il y a encore des difficultés de mise en place dans les entreprises moyennes (50 salariés). Un certain nombre de faits "pressions" sont remontés jusqu’au Défenseur des droits (155 cas en 2017 et 2018). Mais les progrès sont réels : attaquée pour "dénonciation calomnieuse" par son employeur pour avoir dénoncé des cas de maltraitance dans un foyer pour enfants handicapés, une employée a été relaxée par le tribunal, sa bonne foi et la véracité de ses assertions étant reconnues.

Visuel de Une (illustration) DR

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