La Côte d'Azur, berceau de

La Côte d’Azur, berceau de la médiation administrative

La médiation est à l’ordre du jour. Le sujet est porteur. Les commentaires fleurissent, les conseils aussi, venant bien souvent de personnes qui s’y intéressent de fraîche date et n’en ont aucune connaissance concrète. Mais, peu importe, le constat est là : impossible de passer à côté au vu du nombre de communications, d’articles et de colloques sur ce thème depuis la fin de l’année 2016 !
Alors me direz-vous, pourquoi en remettre une couche ?
Tout simplement pour rendre à la Côte d’Azur ce qu’il lui revient car rares sont ceux qui savent qu’elle est le berceau de la médiation administrative.

Par Maître jean-Marc LE GARS, Avocat au Barreau de Nice, Médiateur agréé.

Le sujet a été mis au goût du jour par la loi du 18 novembre 2016 portant modernisation de la Justice du XXIème siècle, avec pour objectif de développer un mode de résolution amiable des litiges délaissé par le juge
administratif. Un chapitre entièrement nouveau consacré à la médiation en matière administrative a été créé de toutes pièces et logé sous le titre Ier du Livre II du Code de justice administrative. La loi institue un régime unique de médiation comprenant deux volets, l’un consacré à la médiation à l’initiative du juge, l’autre à l’initiative des parties. Nous n’y reviendrons pas ici (1).
C’est là l’expression d’une politique nouvelle, clairement affirmée (2). La médiation, avec ou autour de la juridiction administrative, est désormais dotée d’un corpus de règles complet et cohérent. Le principal obstacle à son développement est ainsi levé.
Une alternative sérieuse au règlement des litiges par le juge s’offre désormais aux parties. Elles disposent d’un cadre adapté leur permettant de se raccommoder en réglant leurs différends de manière consensuelle, dans les meilleurs délais et au meilleur prix, avec l’aide d’un tiers, le médiateur. Tout autre chose que les procédures juridictionnelles où le litige est tranché par un juge lointain à l’issue, souvent, d’une procédure longue et coûteuse.
Le temps est donc venu de cesser d’entretenir les conflits car il n’y a que des avantages à s’engager dans la voie de la médiation.

D’aucuns l’avaient compris, dix ans plus tôt, sur la Côte d’Azur. Des expériences abouties de médiation y ont été conduites, sans support législatif ni réglementaire (3).

L’expérimentation a pris son envol à l’aéroport de Nice, au printemps 2006.
Un litige opposait la Chambre de commerce et d’industrie, gestionnaire de l’aéroport, et un groupement d’entreprises à propos du marché d’extension du terminal 2 de l’aéroport. Étaient en discussion l’indemnisation des sujétions imprévues et des préjudices résultant de modifications du marché, ainsi que des conditions anormales d’exécution des travaux.
Le procès suivait son cours depuis le début de l’année 2001 : référé expertise, référé provision et requête au fond. Après cinq ans d’investigations, l’expert commis en référé venait de déposer un rapport monumental et très controversé. Les enjeux étaient considérables, les prétentions des parties très éloignées. Le président de la CCI voyait venir avec angoisse l’échéance du 31 décembre 2007, l’aéroport devant être privatisé. Les comptes étaient obérés par une provision importante, au montant discutable. Cela n’était guère compatible avec la privatisation.
Il s’en est ouvert au président du tribunal administratif de Nice, exprimant le souhait d’un règlement rapide et définitif du conflit. C’était mal connaître le temps de la Justice. C’est alors qu’est née l’idée d’organiser une conciliation. Le groupement d’entreprises a, lui aussi, abondé en ce sens. L’état de la juridiction ne permettait pas de charger un de ses membres d’une conciliation. Il a donc fallu se résoudre à chercher à l’extérieur du tribunal la personne capable de mener à bien les négociations.
La procédure n’étant prévue par aucun texte, il a fallu y suppléer en fixant, d’accord avec les parties, les règles essentielles de l’opération : confidentialité, délais et rémunération du médiateur.
Et c’est ainsi qu’avec un peu de bon sens et beaucoup de bonne volonté, a été lancée la première médiation organisée par un tribunal administratif, sans encadrement textuel.
L’affaire n’a pas traîné. Commencée début septembre 2006, la médiation a abouti à la signature d’un protocole le 7 février 2007 et l’accord a été homologué par le Tribunal le 20 avril 2007. Chambre de commerce et d’industrie d’un côté, entreprises régionales du BTP de l’autre, avec l’aéroport au milieu, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans les milieux concernés ! Les demandes ont afflué.
Les médiations se sont, le plus souvent, conclues sur des accords, obtenus pour la plupart en quelques mois seulement. Elles ont porté sur des sujets variés.
Quelques exemples : paiement de travaux supplémentaires pour la déviation de réseaux lors de la construction d’un tramway ; contentieux lourds et anciens opposant une ville importante à EDF à propos de la fourniture d’électricité ; réparation du préjudice causé par l’annulation du contrat de concession pour la construction et l’exploitation d’un ensemble de loisirs aquatiques ; réparation du préjudice causé par des décisions illégales en matière d’urbanisme ; litige entre l’État et la société d’exploitation d’un ensemble hôtelier de prestige portant sur l’occupation sans titre du domaine public maritime par la piscine de l’hôtel ; sort des biens dans le cadre d’un contrat d’affermage pour la gestion déléguée de la restauration scolaire d’une grosse collectivité ; sort des équipements publics réalisés à l’occasion de l’aménagement d’une ZAC ; etc...
C’est au regard de cette réussite que la loi du 13 décembre 2011 a permis aux chefs de juridiction administrative de désigner des conciliateurs extérieurs à la juridiction, précurseurs des médiateurs institués par la loi du 18 novembre 2016.
La Côte d’Azur se doit de rester à l’avant-garde. À elle de transformer l’essai en donnant vie aux procédures nouvelles de médiation administrative.

Références


1 - Cf. La juridiction administrative saisie par la médiation ? Par J-M. Le Gars - AJDA n°40/2016, p. 2272 et suivantes.

2 - Cf. Justice administrative et médiation. Par J-M. Le Gars – AJ Contrat n°8-9/2017, p. 370 et suivantes.

3 - Cf. La conciliation par le juge administratif. Par J-M. Le Gars – AJDA n° 27/2008. p. 1468 et suivantes.

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