Le lanceur d'alerte (...)

Le lanceur d’alerte et l’aviseur fiscal : la dénonciation de faits délictueux dans l’entreprise

Vous avez connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction et craignez des représailles de votre employeur si vous les dénoncez.

Vous avez droit à une protection.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite Sapin II protège et définit les lanceurs d’alerte.

Par Maître Emilie VOIRON, Avocate au Barreau de Grasse, Associée Cabinet Harmonia Juris

-> QU’EST-CE QU’UNE ALERTE QUI VOUS DONNE DROIT À LA PROTECTION ?

Des faits délictueux :
Il s’agit de tous les crimes et tous les délits, sans restriction, d’une violation grave et manifeste de la loi, d’un règlement ou d’un engagement international, ainsi que d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général.

Une dénonciation de bonne foi :
Il s’agit de ne pas dénoncer des faits que l’on sait faux. La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que le salarié était de mauvaise foi dès lors qu’il connaissait la fausseté des faits allégués. (Cass. Soc. 7 février 2012, 10-18035)

Il existe une différence entre ne pas connaître la réalité et l’intégralité des éléments et savoir que les faits sont faux.

Seul le second cas est visé par la mauvaise foi.

Cela suppose par ailleurs d’agir de manière désintéressé, c’est-à-dire de ne pas monnayer son silence et de n’agir que dans l’intérêt général. (Débat assemblée nationale 28.11.2016)

-> QUELLE PROTECTION ?

Tout d’abord, une protection contre le licenciement :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi  » (C. trav. art. L 1132-3-3, al. 2 nouveau).

Les actes ou dispositions contraires à ces interdictions sont frappés de nullité en application de l’article L 1132-4 du Code du travail.

L’article L.1132 du Code du travail prévoit que le lanceur d’alerte ne peut pas être licencié.

Le salarié aura la possibilité de saisir en référé le Conseil des Prud’hommes pour faire cesser cette atteinte grave.

Ensuite, un aménagement de la charge de la preuve.
Le salarié ne doit présenter au juge que des éléments de faits permettant de présumer qu’il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi.

En retour, l’employeur devra prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge formera sa conviction après avoir ordonné, si nécessaire, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (C. trav. art. L 1132-3-3, al. 3 modifié).

Enfin, le code pénal prévoit que toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement aux personnes et organismes compétents est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (Loi art. 13, I).

->COMMENT RÉAGIR FACE AUX MENACES OUVERTES DE PLAINTES POUR DIFFAMATION ?

Dans de nombreux cas l’employeur va, pour tenter d’intimider le salarié, menacer de déposer une plainte pour diffamation. C’est qu’on appelle le « procès baillon  ».

Or, d’une part, la diffamation répond à des critères stricts, et d’autre part, le juge d’instruction saisi d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte pourra prononcer à l’encontre de l’employeur une amende civile pouvant aller jusqu’à 30 000 € (Loi art. 13, II) pour procédure abusive.

->COMMENT RÉAGIR FACE AUX REPRÉSAILLES LARVÉES DE L’EMPLOYEUR ?

Le salarié doit pouvoir faire face à sa mise au placard ou à une soudaine remise en cause de son travail.

Là encore, les règles relatives au harcèlement moral et à la modification du contrat de travail devront le plus rapidement possible être évoquées afin de mettre un terme à la situation d’isolement et de dénigrement qu’il peut subir

-> LE NOUVEAU DISPOSITIF : L’AVISEUR FISCAL

La loi de finances de 2017 (l’article 109 de loi 2016-1917 du 29 décembre 2016) et le décret du 24 avril 2017 institue le mécanisme de l’aviseur fiscal.

Il est ainsi prévu que la Direction générale des finances publiques peut indemniser toute personne qui fournit les renseignements ayant conduit à la découverte d’une fraude fiscale.

Ce dispositif n’est pas rétroactif et ne joue donc pas pour des faits antérieurs au 1er février 2017.

Attention :
Il n’est pas possible de cumuler les deux statuts. Le salarié devra choisir.

Le lanceur d’alerte doit être désintéressé pour bénéficier d’une immunité contre le licenciement.

De son côté l’aviseur fiscal doit rapporter des faits sous son vrai nom et pourra bénéficier d’une rétribution.

L’aviseur fiscal peut s’adresser directement à l’administration pour dénoncer les faits litigieux alors que le lanceur d’alerte doit d’abord respecter la procédure interne à l’entreprise, si celle-ci existe, et dans tous les cas alerter son supérieur hiérarchique avant d’en aviser la justice.

Si vous pensez être témoin de faits délictueux dans votre entreprise, ou victime de représailles par l’employeur après avoir évoqué une fraude, nous pouvons en parler.

Photo de Une : Émilie Voiron, Avocate associée du Cabinet Harmonia Juris, aux côtés de Maître Gilles Balaguero. (DR)

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