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Le nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière : Une révolution de la fiscalité du patrimoine ?

La Loi de Finances pour 2018 a institué le nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) en remplacement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) qui est supprimé. Il s’agit d’une vraie révolution fiscale, touchant au patrimoine, dans la mesure où l’ensemble des articles du Code général des impôts qui visaient l’ISF (institué par Michel Rocard en 1988) ont été abrogés pour être remplacés par ceux visant l’IFI.

Par Jean-Michel NOGUEROLES, Avocat Associé également Abogado (Barcelone) et Solicitor (Angleterre et Pays de Galles)


Désormais, seul le patrimoine immobilier (ce incluant, les droits immobiliers et les titres des sociétés dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers) qui n’est pas affecté à l’activité professionnelle du redevable est en principe soumis à l’impôt sur la fortune, lorsque la valeur totale de ce patrimoine (nette des dettes pouvant être prises en compte) est supérieure à 1.300.000 euros. Il en résulte que le patrimoine financier échappe désormais à toute imposition sur la fortune en France (contrairement à la situation antérieure de l’ISF).

Les spécificités de l’IFI

L’IFI est applicable aux personnes physiques, qui ont leur domicile fiscal en France, sur la base de leur patrimoine immobilier (non professionnel) mondial ainsi qu’aux personnes physiques, n’ayant pas leur
domicile fiscal en France, sur la base de leur patrimoine immobilier (non professionnel) sis en France.
L’assiette de l’IFI est constituée par la valeur nette vénale de ce patrimoine immobilier au 1er janvier de chaque année civile.
Comme pour l’ISF, il est institué un abattement de 30% sur la valeur de la résidence principale.
Comme pour l’ISF également, la valeur nette du patrimoine est calculée après prise en compte d’un passif déductible.

Cependant, les règles édictées s’agissant de la prise en compte du passif diffèrent de celles de l’ISF 

Seules sont retenues les dettes, existantes au 1er janvier de chaque année d’imposition, qui ont été contractées par le redevable de l’Impôt et effectivement supportées par lui, afférentes au patrimoine immobilier imposable, et le cas échéant, à proportion de la fraction de leur valeur imposable :
- Afférentes à des dépenses d’acquisition de ces biens, parts ou droits immobiliers ;
- Afférentes à des dépenses de réparation et d’entretien effectivement supportées par le propriétaire ;
- Afférentes à des dépenses d’amélioration, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement ; et
- Afférentes aux impositions autres que celles incombant normalement à l’occupant ou à raison des revenus générés par lesdites propriétés.
Il convient de noter également que  :
- Les prêts prévoyant le remboursement du capital au terme du contrat (emprunts ni fine) pour l’achat d’un bien ou droit immobilier. Ces dettes sont toutefois déductibles chaque année à
hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d’années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre
d’années total de l’emprunt (soit une diminution d’un 20ème par an pour un emprunt d’une durée de 20 ans).
- Les dettes correspondant à des prêts ne prévoyant pas de terme (lignes de crédit "revolving" par exemple) pour le remboursement du capital, contractées pour l’achat d’un bien ou droit immobilier imposable, sont
déductibles chaque année à hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à un vingtième de ce montant par année écoulée depuis le versement du prêt. Au demeurant, il est expressément stipulé que ne sont pas déductibles les dettes correspondant à des prêts contractés, directement ou indirectement, auprès :
- du redevable, de son conjoint ou du partenaire, du concubin notoire, des enfants mineurs de ces personnes ;
- d’un ascendant ou descendant autre que ceux mentionnés précédemment, sauf si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt, notamment au regard du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements ; ou
- d’une société que, seule ou conjointement avec son conjoint, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et sœurs, elle contrôle directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés ou organismes interposés.
Il en résulte que les opérations de refinancement ou de rachat à soi-même ou à son groupe familial sont à exclure (si l’objectif recherché est la déductibilité de la dette contractée de la valeur du patrimoine soumis à l’IFI).
En outre, Il est prévu un mécanisme général de plafonnement de l’endettement déductible : lorsque la valeur des biens ou droits immobiliers et des parts ou actions taxables excède 5 millions d’euros et que le montant total des dettes admises en déduction en application au titre d’une même année d’imposition excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n’est admis en déduction qu’à hauteur de 50 % de cet excédent.

Un bulletin Officiel des Impôts à venir pour plus de clarté

Enfin, il convient de noter l’existence (comme pour l’ISF) d’un mécanisme d’exonération du patrimoine affecté à l’exercice de l’activité professionnelle du redevable.
À titre illustratif, cette exonération vise les biens immobiliers affectés à l’activité professionnelle du contribuable comme, par exemple, des murs ou des bureaux d’une entreprise dont le propriétaire-dirigeant est le redevable.
Il peut s’agir aussi de biens immobiliers affectés à des activités immobilières commerciales comme, par exemple, les biens des opérations de marchand de biens, de promotion, de construction ou de rénovation immobilières en vue de la revente.
La gestion d’un patrimoine immobilier propre est en revanche expressément exclue du régime d’exonération de l’IFI.S’agissant, tout particulièrement, des activités de location immobilière meublée, il convient pour le moment de rester prudent compte tenu de l’absence de clarté du nouveau texte.
L’administration fiscale devrait publier dans les prochaines semaines un bulletin Officiel des Impôts commentant les nouvelles dispositions légales
applicables en matière d’IFI.
Tous les professionnels attendent avec impatience cette prochaine parution qui, on l’espère, apportera la clarté nécessaire à la compréhension de ce nouveau cadre législatif.
Il en va aussi de la crédibilité de l’action du gouvernement. Nous savons tous que l’environnement législatif et fiscal doit être précis et suffisamment stable pour que la confiance revienne et que des investissements soient engagés, y compris et peut-être surtout, dans le secteur immobilier.

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