Les libertés fondamentale

Les libertés fondamentales et le droit du travail

Si de l’article 1222-1 du code du travail qui dispose que "le contrat de travail est exécuté de bonne foi" découle une obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur, ce dernier doit également exécuter de bonne foi le contrat qui le lie à son employé. Il découle du lien de subordination un pouvoir de contrôle et de direction de l’employeur (droit de contrôle du travail des salariés, pouvoir disciplinaire de sanction etc…), lequel ne doit pas devenir abusif.

Par Me Cécile Zakine, Avocat au Barreau de Grasse - Docteur en Droit - Chargée d’enseignement

Le salarié doit pouvoir se prévaloir de libertés fondamentales applicables sur le lieu de travail, le socle indérogeable étant le droit à la dignité de la personne humaine étendu, à l’évidence, à la relation de travail.

La Chambre sociale de la Cour de cassation veille à ce que ces libertés fondamentales trouvent une application concrète et effective : "Eu égard à la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne concernée, l’aménagement légal des règles de preuve prévues par l’article L. 1134-1 du Code du travail ne viole pas le principe de l’égalité des armes toute leur portée aux droits fondamentaux du salarié, dont la protection est une nécessité" (Cass. Soc. 28 janvier 2010, Bull. n° 28).

Les libertés fondamentales du salarié

Il résulte de l’article L. 1121-1 du Code du travail que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" :
 La liberté d’expression ? : le licenciement du lanceur d’alerte sera frappé de nullité car pris en violation de la liberté d’expression au sens de l’article ?10 § ?1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) (Cass. Soc., 30 ?juin 2016, n° ?15-10.557)
 Le droit à la santé et à la sécurité du salarié : ce droit fondamental procède par extension de la protection du droit à la vie au sens de l’article 2 de la CEDH qui implique que l’employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à garantir la protection de la santé physique et mentale du salarié ainsi que son intégrité (Soc., 5 mars 2008, Bull. n° 46).
 Le droit à la formation et à l’information des salariés au sens de l’article 10 de la CEDH procède également de l’obligation de prévention et de sécurité qui incombe à l’employeur.
De plus, c’est notamment sur le fondement de la protection de la dignité humaine et de l’obligation de sécurité que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires lorsqu’un salarié est victime d’un harcèlement moral ou sexuel et ce, pour éviter que sa responsabilité ne soit engagée.
 Le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances au sens de l’article 8 CEDH et l’article 9 du Code civil : l’employeur ne peut prendre connaissance du contenu des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui et ce, même au cas où l’employeur en aurait "interdit une utilisation non professionnelle" (Cass. Soc., Nikon, 2 oct. 2001, n° ?99-42.942),
 Le droit au respect de la vie familiale : ce droit découle également de l’article 8 de la CEDH.
Cela peut avoir des répercussions sur la mise en œuvre d’une clause de mobilité. Ainsi, lorsque l’employeur a mis en œuvre une telle clause, le Juge peut rechercher si sa mise en œuvre se trouvait justifiée au regard de la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché (Cass. Soc., 14 octobre 2008, Bull. n° 192),
 La liberté syndicale définie à l’article ?11 de la CEDH est un droit fondamental qui implique que toute organisation syndicale professionnelle, même non représentative, peut exercer le droit syndical dans l’entreprise, via la constitution d’une section syndicale et tout salarié peut librement adhérer à une organisation syndicale de son choix et/ou exercer une activité syndicale.
La Cour européenne a étendu la liberté syndicale au droit à la négociation collective qui est donc aussi une liberté fondamentale (CEDH, 12 nov. 2008, n° ?34503/97, Demir et Baykara c. Turqui ; Cass. soc., 14 ?avr. 2010, n° ?09-60.426).
 L’accès au Juge, socle d’effectivité de l’ensemble des droits et libertés fondamentaux et prévu à l’article 6 CEDH au sein d’un État de droit. Ce droit implique notamment que le salarié ne peut être sanctionné pour avoir introduit une action en justice à l’encontre de son employeur : "Est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié." (Cass. soc., 16 ?mars 2016, n° ?14-23.589).

Les interdictions

L’étude des discriminations en droit du travail regroupe 4 thématiques dont la dernière ne relève pas des discriminations : le principe de non-discrimination en général (1ère partie, Livre femmes l’égalité 1, de et Titre les rémunération hommes III du Code (1ère entre du partie, les travail), femmes Livre l’égalité et 1, les Titre hommes professionnelle IV du (3ème Code Partie, du entre travail), Livre les II, Titre II du Code du travail), le principe général "À travail égal, salaire égal" (Consécration jurisprudentielle).
Selon le principe général de non discrimination, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Enfin, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice du droit de grève, à condition que cet exercice soit normal, précise le code du travail ; ce qui exclut certaines pratiques
attentatoires aux libertés individuelles (comme la séquestration) ou à l’intégrité des biens (destructions volontaires) et des personnes.

Sanctions en cas de violation d’une liberté fondamentale ou en cas de discrimination

Lorsque les droits fondamentaux d’un salarié ont été violés, le licenciement sera requalifié en en licenciement sans cause et sérieuse l’employeur peut être condamné à verser une indemnisation sous forme de dommages
intérêts ;
En cas de discrimination, le salarié a droit à réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent. À titre d’exemple, cas de licenciement d’une salariée en état de grossesse, nul en application de l’article L. 1225-4 du Code du travail, sa réintégration doit être ordonnée si elle le demande (Cass. Soc., 30 avril 2003, Bull. n° 152)