Médiation n'est pas (...)

Médiation n’est pas conciliation ! (par Maître Michel Buchet)

L’ordonnance du 16 novembre 2011 inclut dans sa définition la conciliation dans les processus de médiation par lesquels deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends avec l’aide d’un tiers. La résolution du différend ne sera pas soumise à l’aléa de la décision d’un juge ou d’un arbitre puisque les parties pourront trouver, avec l’aide du tiers, le médiateur, et le conseil de leurs avocats, un accord malgré la dégradation plus ou moins prononcée du lien relationnel. Cependant, il existe des différences substantielles au niveau fonctionnel entre la conciliation et la médiation.

Par Maître Michel Buchet, Médiateur - Avocat conseil en médiation, Agréé CNMA - Conseil National des Barreaux, D.U Médiation - Université NICE, Vice-Président d’AMI, Alternative de médiateurs indépendants

La médiation privilégie l’amélioration du lien relationnel

L’objectif exclusif de la conciliation est de trouver nécessairement un accord sans se préoccuper du lien relationnel existant entre les parties tandis que l’objectif de la médiation est de permettre, dans un premier temps, le rétablissement d’une communication, interrompue ou dégradée afin d’instaurer les conditions d’une négociation apaisée, permettant, dans un deuxième temps, l’obtention d’un éventuel accord. L’amélioration du lien relationnel s’avère nécessaire lorsqu’il s’agit de ménager les relations futures (associés, conjoints, héritiers, relations clients/fournisseurs, etc.).

La médiation est plus adaptée au consensualisme des parties médiées

Le conciliateur oriente les parties et intervient dans la négociation en vue
d’obtenir un accord à la différence du médiateur qui ne s’immisce pas dans la discussion sur le fond du différend. L’aide du médiateur consiste exclusivement à conduire le processus en restant maître de sa gestion, sans pour autant donner lui-même une solution aux parties qui resteront, quant à elles, totalement libres de traiter le contenu et l’issue de la négociation avec les conseils de leurs avocats respectifs : le consensualisme des parties est ainsi totalement respecté.

Le médiateur traite les besoins et intérêts des parties et non leurs positions

L’objet de la conciliation est de négocier sur les positions opposées des parties en tentant de les rapprocher sur la base de concessions qui pourront être acceptées de part et d’autre. En revanche, l’objet de la médiation porte sur les besoins et intérêts des parties. Il convient en conséquence de rechercher les motivations qui sous-tendent la position de chaque partie afin de la faire entendre, comprendre et admettre par l’autre partie, même si elle n’est pas d’accord sur la position qui en résulte. L’accord pourra ainsi découler de la reconnaissance réciproque de ces motivations qui, à la différence des positions, sont ordinairement compatibles entre elles. Pour atteindre cet objectif, il conviendra de déplacer, dans un deuxième temps, avec l’aide des avocats, les positions initiales des parties vers des positions innovantes pleinement conciliables.

Le médiateur prend en considération l’affect des parties

La médiation permet de traiter, notamment dans le modèle Fiutak, l’affect des parties qui dégrade profondément et durablement leur relation, perturbant ainsi la conduite de toute négociation apaisée. En revanche la conciliation n’a ni l’objectif ni les moyens de traiter les aspects psychologiques des parties permettant de pacifier une relation altérée. L’autre modèle intégré dans le processus de médiation est le modèle Harvard plus orienté sur les aspects purement techniques et financiers relevant de litiges objectifs qui restent substantiellement détachables de la personne en dépit des tensions inhérentes à toute relation conflictuelle.

Le médiateur est totalement indépendant à l’égard du juge

Lorsque le conciliateur est désigné par le juge, il reçoit une délégation à la différence du médiateur qui reste totalement indépendant. Ainsi, par exemple, le médiateur n’a pas à dévoiler, au titre de la confidentialité, le contenu de l’accord intervenu entre les parties dans le cadre d’une médiation judiciaire bien que, curieusement, et en totale contradiction avec les textes, le ministère de la justice considère selon les termes d’une dépêche ministérielle en date du 20 janvier 2017 qu’il peut contrôler les interventions du médiateur et le contenu de l’accord intervenu entre les parties lorsqu’elles perçoivent l’aide juridique.

Technique et spécificité de la médiation requièrent une formation adaptée

La médiation présente la spécificité d’être un processus qui requiert un traitement plus approfondi et plus technique que la conciliation nécessitant ainsi une formation préalable (200 heures pour le Conseil National des Barreaux), et une formation continue.

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