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Prégnance du web 3.0 et justice prédictive : quels impacts sur le traitement des litiges ?

Le citoyen est entré dans l’ère du participatif et du collaboratif aussi bien dans les modèles économiques que dans le domaine juridique afin de privilégier l’équité, la solidarité, le consensus et l’auto-gestion.

Par exemple, une des propositions principales de l’économie participative est que toute personne devrait avoir son mot à dire pour une décision de manière proportionnelle au degré où cette décision l’affecte.

Par Maître Michel BUCHET, Avocat et médiateur, D.U Médiation

Ces aspirations se retrouvent également dans le domaine juridique et plus particulièrement dans le traitement des conflits où l’on retrouve ces objectifs dans les modes amiables de résolution des différends (MARD) qui sont en voie de développement rapide en raison, notamment, du soutien actif des pouvoirs publics.
Mais, l’usager du droit est également pris dans la tourmente du digital et de la justice prédictive qui comporte des aspects positifs mais également de nombreux aspects négatifs dans la mesure où la machine en supplantant l’Humain ne pourra plus satisfaire ces aspirations.

Ross, Peter, Watson...

Précisément, les MARD et notamment le Droit collaboratif ou processus collaboratif permettent au justiciable de retrouver sa liberté d’action et de décision en restant maître de son conflit.*
En effet, les usagers du droit peuvent, dans ce processus, satisfaire leurs aspirations d’équité, de consensus, d’auto-gestion voire de solidarité dans la
mesure où avec leurs avocats, ils sont solidairement contraints de trouver une réponse unitive et pleinement satisfaisante aux problèmes spécifiques de chacun d’entre eux.
Les avocats peuvent ainsi après consultation des algorithmes qui dessineront une approche théorique probable ou possible de La solution au litige, entreprendre avec les conseils de chaque partie, un processus collaboratif pour trouver une autre solution juridique "gagnante-gagnante" pour toutes les parties, innovante et totalement adaptée à leur cas, sans avoir à saisir le tribunal.
Le processus utilisé à cet effet est la technique de la négociation raisonnée fondamentalement différente de la négociation classique - laquelle ne peut conduire qu’à une conciliation ou à une transaction génératrice d’abandon de droits ou de concessions réciproque.
En effet, avec le processus de la négociation raisonnée on se place sur un tout autre domaine ; à savoir : satisfaire des intérêts et non plus revendiquer des droits. À ce niveau d’intervention, il convient de remarquer que le traitement de l’émotionnel et de l’affect nécessaire à la recherche des intérêts et des besoins ne pourrait être pris en charge par des robots-avocats du type Ross, Peter ou Watson.

Cette technique permet ainsi aux parties et à leurs avocats de bénéficier des algorithmes mais au lieu d’être enfermés dans une discussion confinée dans le périmètre de leurs positions antagonistes et dans le champ d’application de la solution digitale, ils vont pouvoir se libérer en recherchant, en équipe, les besoins et intérêts compatibles pour tous, satisfaisant ainsi leurs aspirations de consensus, d’équité et de liberté tout en évitant des décisions de justice qui seront inévitablement soumises à un effet moutonnier ou au risque inverse mais toujours présent d’un aléa judiciaire.

Processus collaboratif : un garde fou efficace

Si un affect prédominant bloque la communication, les avocats peuvent saisir un médiateur pour rétablir la fluidité des échanges et restaurer le lien relationnel, qui sont les deux principaux objectifs pour lesquels il a été spécialement formé (200 heures de formation) avant de revenir au processus collaboratif pour finaliser l’accord.
Le processus collaboratif conçu pour les avocats - à la différence de la médiation et notamment de la e.médiation - requiert une adhésion massive de leur part pour le mettre en œuvre puisque les participants doivent être nécessairement formés au modèle (quatre jours de formation) avant de le proposer à leurs clients avec un taux de réussite proche de 98 % selon le barreau de Paris.
À défaut de l’utiliser, les avocats risquent d’être dépassés par tous les prestataires qui répondront à une demande non satisfaite en proposant des processus similaires sur le fondement d’un traitement algorithmique sans offrir aux usagers du droit les garanties offertes par une profession réglementée.
Le processus collaboratif mis à la disposition des avocats constitue ainsi un garde-fou efficace contre les excès de la justice 3.0 et la dérèglementation de l’activité juridique et judiciaire sous-jacente qui devrait en résulter.

* L’autre modèle proche de ce processus, réservé aux avocats, est la procédure participative qui reste très peu utilisée.

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