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Refus d’un CDI par un salarié : de nouvelles obligations incombent à l’employeur

Si un salarié en CDD ou en intérim refuse le CDI qui lui est proposé, il pourra se voir supprimer ses allocations chômage. Emmanuel Labrousse, co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, explique le formalisme que les entreprises doivent respecter pour que ces nouvelles dispositions réglementaires puissent s’appliquer.

Dans le cadre de la Loi « Marché du travail », les pouvoirs publics ont souhaité sanctionner par une privation d’allocations chômage les demandeurs d’emploi qui, de façon abusive, refuseraient d’occuper sous contrat à durée indéterminée un poste similaire à celui précédemment occupé en contrat à durée déterminée ou en intérim.

Cependant, pour que le suivi du ou des refus du demandeur d’emploi d’occuper un poste similaire en CDI soit effectif, l’employeur devra faire face à de nouvelles obligations. Ces nouvelles obligations sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024.

La loi lutte contre les refus abusifs des salariés

Pour rappel, la Loi du 21 décembre 2022 dite « Marché du travail » a introduit dans le Code du travail une procédure particulière lorsque l’employeur propose au salarié en fin de CDD ou en contrat de travail temporaire la poursuite de la relation contractuelle de travail sous la forme d’un contrat à durée indéterminée.
L’employeur doit, en pareil cas, formaliser par écrit et dans un délai raisonnable la proposition de poste et informer France Travail en cas de refus d’occuper le poste proposé.

Cette procédure d’information a pour corollaire la mesure qui prive de l’allocation-chômage les salariés en CDD (ou en contrat d’intérim) qui auraient refusé deux fois un contrat à durée indéterminée sur un emploi identique ou similaire dans les douze mois. L’employeur doit donc informer France Travail en cas de refus du salarié.

Attention, en conséquence, les entreprises doivent désormais scrupuleusement respecter les modalités d’application de cette obligation d’information, aussi bien auprès du salarié que de France Travail en cas de refus.

Les conditions de la proposition de CDI au salarié sont très normées

Bien démontrer que le CDI est équivalent au poste précédent

Seules les propositions de CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim refusées par le salarié peuvent faire l’objet d’une déclaration obligatoire à France Travail.
En conséquence, ces propositions faites par l’employeur sont, elles-mêmes, conditionnées et encadrées. En effet, il convient de traiter différemment les cas selon que la proposition de CDI est réalisée au cours d’un CDD ou d’un contrat d’intérim :

- si la proposition de CDI est faite à un salarié en CDD : cette proposition doit concerner un même emploi ou un emploi similaire, être assortie d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail (1) ;

- si la proposition de CDI concerne en revanche un salarié en contrat d’intérim : dans ce cas, elle doit porter sur le même emploi ou un emploi similaire, sans changement de lieu de travail (2).

A contrario, les propositions de CDI qui ne s’intègrent pas dans ces hypothèses n’entraînent pas d’information obligatoire de France Travail. Par exemple, en cas de proposition de CDI pour un poste de travail non similaire à celui occupé par le salarié, le refus de ce dernier ne déclenche pas la procédure obligatoire de déclaration du refus à France Travail.

Enfin, la proposition de CDI doit, dans tous les cas, être réalisée avant le terme du CDD ou de la mission d’intérim (3).

Sur la forme, attention aux dates certaines et aux délais

Depuis le 1er janvier 2024, l’employeur qui veut proposer un CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim sur un emploi identique ou similaire doit respecter une procédure particulière :

- l’employeur est tenu de notifier cette proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre remise en main propre contre décharge ou par tout autre moyen donnant date certaine à sa réception, avant le terme du contrat à durée déterminée (ou du contrat d’intérim) ;

- l’employeur doit accorder au salarié un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de contrat à durée indéterminée en lui indiquant qu’à l’issue de ce délai de réflexion, une absence de réponse de sa part vaudra rejet de cette proposition. Si la notion de délai raisonnable est laissée à l’appréciation de l’employeur, un délai compris entre huit et quinze jours calendaires devrait être suffisant.

Emmanuel Labrousse met en garde : « Afin d’éviter tout litige avec le salarié, il est conseillé de préciser, dans la proposition de contrat à durée indéterminée, les caractéristiques détaillées du poste proposé pour pouvoir démontrer que cet emploi est identique ou similaire et répond bien aux conditions prévues par la loi. Dans le cas contraire, le salarié pourrait reprocher à l’employeur de ne pas avoir été suffisamment informé pour prendre une décision en toute connaissance de cause. »

En cas de refus du salarié, l’employeur a l’obligation de prévenir France Travail.

Les conditions d’information de France Travail doivent elles aussi être scrupuleusement respectées

L’entreprise doit pouvoir justifier que le CDI proposé présentait les mêmes caractéristiques que le CDD ou le contrat en intérim

En l’absence de réponse du salarié ou de son refus de proposition de CDI, l’information donnée à France Travail doit être composée de plusieurs éléments qui varient suivant le contrat en cours avec le salarié.

- S’il s’agit d’un CDD : l’information doit être composée du descriptif de l’emploi proposé, des éléments de justification permettant de démontrer que l’emploi proposé est identique ou similaire à celui occupé en CDD, que la rémunération proposée est au moins équivalente, que la durée de travail proposée est équivalente, que la classification de l’emploi est identique et que le lieu de travail est identique.

- S’il s’agit d’un contrat d’intérim  : l’information doit être composée du descriptif de l’emploi proposé, des éléments de justification permettant de démontrer que l’emploi proposé est identique ou similaire à celui de la mission effectuée et que le lieu de travail est identique.

Dans tous les cas, il convient également d’indiquer le délai laissé au salarié pour répondre et la date du refus, qu’il soit express ou tacite.

Dans le cas d’un refus tacite, il est nécessaire d’indiquer la date d’expiration du délai de réflexion laissé au salarié.

Si les informations sont incomplètes, France Travail peut demander des éléments complémentaires à l’employeur ou à l’entreprise utilisatrice, qui bénéficie alors d’un délai de quinze jours pour répondre.

Une plate-forme dédiée pour déclarer le refus sous un mois

Cette information devra être réalisée par voie dématérialisée sur une plate-forme dédiée, consultable depuis le site internet de France Travail, dans un délai d’un mois maximum à compter du refus express ou tacite du salarié.

La plate-forme est accessible à l’adresse suivante : https://www.demarches-simplifiees.f...

Le salarié est informé par France Travail des conséquences sur son allocation chômage

A réception de l’ensemble des informations, France Travail informera le salarié d’une part de la réception de l’ensemble des informations le concernant et, d’autre part, des conséquences du refus de CDI sur l’ouverture de droit à l’allocation d’assurance chômage.

Il est rappelé qu’à l’issue d’un CDD ou de missions d’intérim, si le salarié a refusé, au cours des douze mois précédents, au moins deux propositions de CDI qui remplissaient toutes ces conditions, l’intéressé ne bénéficiera plus de l’allocation d’assurance- chômage.

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(1) article. L. 1243-11-1 du Code du travail
(2) article. L. 1251-33-1 du Code du travail
(3) article R. 1243-2 du Code du travail

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