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Edito - De monstre sacré à sacré monstre

On prête à Jérôme Cahuzac le désir de revenir en politique. Ministre des Finances, il avait menti devant l’Assemblée en affirmant qu’il n’avait « jamais eu et n’avait pas » de compte bancaire à l’étranger.
Ce qui s’est avéré faux et lui valut une condamnation à deux ans de prison, 300 000 euros d’amende et cinq années d’inéligibilité. Celui qui faisait payer les impôts aux Français, tout en s’en affranchissant pour lui-même, revient sur la scène publique : il «  multiplie les visites et réunions publiques dans le Lot-et-Garonne » où il vit, plaide pour « un gouvernement d’union nationale » pour combattre le RN et «  n’exclut pas de se présenter à une élection  » affirme le journal Le Monde.
Il a fauté, il a payé, est redevenu aujourd’hui un citoyen à part entière, libre effectivement de se présenter à des élections puisqu’il semble conserver, au moins au plan local, une certaine estime chez des électeurs qui ne lui en voudraient plus de ses errances lorsqu’il était patron à Bercy. Cela étant, il s’expose évidemment à quelques retours de boomerang au nom de la morale et de l’éthique en politique...
Avant Cahuzac, d’autres politiques appartenant à tous les bords, ont aussi connu le douloureux passage de « monstre sacré » à « sacré monstre ». Comme l’ancien ministre chargé du commerce extérieur, le Lyonnais Michel Noir (18 mois de prison avec sursis et une amende pour abus et recel de biens sociaux dans l’affaire des « comptes suisses »), qui eut cependant la décence de disparaître de la vie publique en se refaisant une santé comme entrepreneur. Une discrétion qui ne fut pas partagée par son voisin et ancien maire de Grenoble Alain Carignon (cinq ans de prison dont un avec sursis, cinq ans d’inéligibilité, pour corruption, abus de biens sociaux, et subornation de témoins), qui trouva ensuite de bons amis pour lui offrir un strapontin au conseil municipal où il siège à nouveau, mais dans l’opposition.
Ce ne sont là que deux cas emblématiques : il y en a bien d’autres.
Quant à Gérard Depardieu, empêtré dans des accusations d’abus sexuels et de viols, il convient d’abord de rappeler la présomption d’innocence dont bénéficie ce « monstre sacré » du cinéma français. Ses frasques - un passeport russe ; traverser Paris en scooter sous la pluie, sans casque, avec John Malkovich sur le siège arrière, pour aller réveiller Johnny Hallyday et boire un coup à l’heure du laitier, etc.) - ne suffisent évidemment pas à transformer Cyrano en « sacré monstre ». Au naturel, le personnage est « énaurme », indomptable, grande gueule, caractériel, excessif en tout. Mais également cultivé, blessé par la vie, aussi finaud que malappris. Comme dans tout film à suspense, les témoignages contradictoires s’accumulent sur le cas Depardieu.
Mais, avec deux plaintes déposées pour viol, cette fois, ce n’est pas du cinéma.

Jean-Michel CHEVALIER

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