
Edito - L’effet boomerang de l’arme fatale
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 18 avril 2025
Et si, derrière l’apparent désordre et les annonces à l’emporte-pièce qui se succèdent sans réelle logique, il y avait une subtile et perverse stratégie pour arriver à faire payer au monde entier l’énorme dette américaine ? La question mérite d’être posée.
La réponse est aussi compliquée que le chemin suivi par Donald Trump pour désarçonner ses adversaires, tous mis dans le même panier, qu’ils soient des alliés (Europe, Japon, Corée) ou des ennemis (Russie, Chine, Iran).
Le président américain a créé un vent de panique sur les places d’affaires. Les bourses ont violemment chuté à la suite des mesures protectionnistes érigées par la première puissance. La semaine dernière, une fausse rumeur (la fin des taxes) a suffi pour que Wall Street s’emballe… jusqu’au démenti de la Maison Blanche (« je ne changerai pas de politique »). Cet épisode fut-il un ballon d’essai pour voir comment allaient réagir les marchés ? Peut-être, sans doute. Devant les pertes de milliers de milliards de dollars, Washington a rétropédalé, ramenant les taxes à 10 % pour tout le monde, sauf pour les Chinois qui bénéficient d’un régime ‘privilégié’ de 145 %.
Pourquoi ce revirement ? Pour faire comprendre à tous les pays que leur intérêt est de négocier, au cas par cas, pour « rééquilibrer » la balance et la faire pencher à l’avantage des US. Rien de tel pour déstabiliser un adversaire que de souffler le chaud et le froid, de menacer puis d’amadouer, selon les techniques brutales maîtrisées par le milliardaire devenu président. Trump a bien senti l’inquiétude – et l’opposition – monter dans son propre camp depuis qu’il a sorti son arme fatale : au plus fort des menaces douanières, les milliardaires avaient virtuellement perdu des milliards en bourse (31 pour ce pauvre Elon Musk), les millionnaires des millions. Les Américains modestes, craignant pour leur pouvoir d’achat, ont commencé à stocker des marchandises puisque leurs emplettes sont faites essentiellement de produits importés, donc taxés.
Trump a ouvert une soupape de 90 jours pour éviter une contestation de sa politique qui affaiblirait sa position. Pour le futur proche – trois mois sont si vite passés – il n’est pas dit qu’il ne dégainera pas à nouveau l’arme douanière pour les pays récalcitrants. Ce qu’il veut, c’est pouvoir dire aux Américains : « on fait rentrer de l’argent, on crée des emplois ». Un pari risqué, car le citoyen de base regardera surtout le prix de la voiture qu’il veut s’acheter, le tarif des soins médicaux, l’addition de son chariot de supermarché… Rien ne dit qu’il sorte gagnant de ce bouleversement que leur président impose sans précaution, à son habitude.
Les ‘errements’ de la Maison Blanche auront au moins eu le mérite de sortir l’Europe de sa torpeur. Sur l’économie et la production industrielle, sur la défense, sur l’intelligence artificielle qui est le grand rendez-vous de ce siècle, elle a compris qu’elle ne pouvait compter que sur elle-même, coincée entre la Chine et les États-Unis, et directement menacée par la Russie. Elle a évidemment les moyens de rebondir et de discuter d’égal à égal. C’est le cauchemar de Donald Trump.