
États-Unis : quand l’État de droit va de travers
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 4 avril 2025
Donald Trump a la rancune tenace. Il a fait plier l’influent cabinet Paul Weiss, employant plus de mille avocats, qui avait plaidé contre lui lors de différentes affaires impliquant le milliardaire redevenu président. Par décret, il a supprimé l’habilitation du cabinet qui n’avait plus, dès lors, accès aux bureaux et aux fonctionnaires fédéraux du ministère de la Justice. Son droit de représentation lors de procès contre l’administration lui a aussi été enlevé. Pour continuer à travailler, Paul Weiss a signé un chèque de 40 millions de dollars. Trump lui reproche également sa politique interne du personnel en matière de diversité et d’inclusion : vous imaginez un avocat qui serait à la fois talentueux et mexicain ? Une vingtaine d’autres cabinets américains sont aussi placés sous pression. Heureusement que Trump est passé par là pour remettre de l’ordre…
Les magistrats et procureurs américains ne sont pas oubliés. Ils font l’objet de la foudre présidentielle par des critiques, plus ou moins exactes, et des menaces bien réelles. À tel point que le président de la Cour suprême a rappelé publiquement à Trump que « cela fait plus de deux siècles que la destitution n’est pas une réponse appropriée à un désaccord concernant une décision judiciaire ». Allusion à la volonté présidentielle de licencier le juge fédéral James Boasberg, coupable de s’être opposé au renvoi de migrants vers le Salvador. Impardonnable, forcément impardonnable. Heureusement que Trump est passé par là pour remettre de l’ordre…
Un autre décret promet des sanctions aux avocats « poursuivant des affaires judiciaires sans fondement » : s’agit-il du sulfureux dossier Stormy Daniels et ses services tarifés ? « En particulier dans le cas impliquant la sécurité nationale », précise la Maison-Blanche : fait-elle allusion à la fuite accidentelle dans la presse de l’attaque programmée contre les Houthis à la suite d’une boulette de l’équipe Trump ? Et aussi lorsque « l’intégrité des élections » est en jeu : est-ce quand le résultat ne donne pas Donald gagnant ? Heureusement que Trump est passé par là pour remettre de l’ordre…
La presse, autre pilier de la démocratie, est bien sûr visée. Trump veut la mettre au pas avec des menaces de procès et de dommages et intérêts dont le montant rendrait ridicule celui de la dette française. Avec un certain succès, puisque le prestigieux Washington Post a accepté de « modérer » ses éditoriaux, lui qui jadis avait fait tomber Richard Nixon avec le Watergate. À la Maison-Blanche, le président « républicain » a aussitôt ouvert son bureau aux influenceurs et podcasteurs qui véhiculent ses idées MAGA (« Make America Great Again », son slogan de campagne) et viré des journalistes traditionnels, tous de dangereux communistes, woke, pour certains favorables aux Démocrates, à l’éducation et à la culture, au droit de vivre sa vie comme on l’entend. Insupportable pour l’homme à la casquette bien enfoncée sur le front qui préfère évidemment les nouveaux médias qui, selon lui, « rendent la parole au peuple ».
Heureusement, Trump est passé par là pour remettre de l’ordre…