Edito - Intelligence (...)

Edito - Intelligence trop artificielle

Au moins, à l’époque de Staline, les personnages tombés en disgrâce disparaissaient soudainement des photos officielles à la suite de trucages grossiers. Ceux-ci se voyaient comme le nez au milieu de la figure, avec des raccords… pas raccords du tout.
Ce n’est – hélas - plus le cas aujourd’hui avec l’intelligence artificielle : on ne peut plus être sûr de rien. Ni des textes créés par l’ordinateur qui font tellement vrai et sont parfois (souvent ?) plus pertinents que ceux sortis du cerveau humain. Ni des photos pourtant hyperréalistes, bien que totalement fabriquées par des logiciels de retouche. Encore moins des vidéos, bidonnées mais si parfaites, que le péquin naïf et crédule va les prendre pour argent
« content », les reposter sur les réseaux, et contribuer à colporter des « fakes » dans son entourage et très au-delà.
En poussant le raisonnement à l’extrême, est-on vraiment sûr que c’est le véritable Poutine qui discourt à la télévision russe en menaçant du feu nucléaire ceux qui se mettent en travers de ses chars ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un avatar, d’un épouvantail de pixels, alors que le seul, le vrai Vladimir Poutine, en chair et en os, passerait en fait du bon temps dans une datcha, à jouer au billard avec ses copains, se désintéressant des affaires du monde. Est-ce vraiment Donald Trump en personne ou un clone numérique qui promet de libérer les putschistes du Capitole s’il est (ré)élu en novembre, de couper tout soutien à l’Ukraine, tandis que le vrai milliardaire à toque blonde et casquette rouge s’occuperait en jouant au golf à Mar-a-Lago entouré de jolies filles ?
On aimerait tellement que ce soit le cas !

Ce nouveau monde, virtuel et parallèle, n’en est qu’à ses débuts, à sa préhistoire.

Il nous télescope en brouillant nos repères. On le découvre depuis peu, aussi étonné que le serait un tyrannosaure croisant une trottinette électrique sur son chemin. Soyons optimistes : le pire reste sans doute... encore à venir, comme les manipulations de l’opinion publique pour influencer les élections dans les pays démocratiques.
Ces tripatouillages sur digital ne sont pas bien graves lorsqu’ils concernent une princesse désœuvrée qui retouche elle-même une photo de famille pour se présenter sous un meilleur jour et rassurer ses sujets sur son état de santé. Prise la main dans Photoshop, qu’elle manie comme un pied, cela prête plutôt à rigoler (car nous avons mauvais esprit) et il n’y a guère que les magazines spécialisés dans les têtes couronnées pour s’en émouvoir.
Mais quand l’IA représente des noirs en soldats nazis, quand elle détourne des images pour montrer des grenouilles aussi grosses que le boeuf, c’est tout autre chose. L’Europe a le mérite de s’être dotée d’une législation unique pour réglementer l’IA. C’est une digue de protection absolument nécessaire, mais sera-t-elle suffisante pour contenir les flots de la désinformation ? Ne risquons-nous pas d’être submergés par la rapidité exponentielle à laquelle cette technologie et son usage se développent ? Réponse dans un, deux ou trois ans...
Jean-Michel CHEVALIER

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