
Edito hebdo - Le cadeau empoisonné
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 17 octobre 2025
Ne rappelez surtout pas à la mère de Sébastien Lecornu qu’il est à Matignon : elle préfèrerait tellement le savoir ailleurs… C’est vrai, on essaie de bien faire pour élever son unique rejeton, et le voici qui, n’en faisant qu’à sa tête, emprunte une route semée d’embûches, guetté au coin du bois par ses ennemis et aussi par ses bons amis. Mme Lecornu-mère n’a pas fini de se faire du souci !
Bien qu’il s’en défendît — « les conditions ne sont pas remplies » —, le « moine soldat » de Macron a donc rempilé pour un nouveau mandat qui a de fortes probabilités d’être bref. Car, malgré les multiples épisodes « comediante ! tragediante ! » auxquels nous avons assisté ces derniers jours, les fondamentaux n’ont pas varié : quoique le Premier ministre tente de bricoler, il n’a pas de majorité, et sans majorité on ne peut pas gouverner. Aussi faut-il qu’il ait le cuir bien endurci et l’âme d’un martyr pour avoir accepté cette charge dans ces conditions. Un cadeau empoisonné de Macron à ce bon Lecornu, qui reste dans le dernier carré de ses fidèles.
Des portes qui claquent. Des « retenez-moi ou je fais un malheur ». Des déclarations censées être fracassantes mais qui ne cassent pas grand-chose, des faux suspenses entretenus, des concertations qui restent sourdes aux propositions… La politique hexagonale nous a donné un triste spectacle : tout ça pour ça ? Pour un retour à la case siège éjectable ? On n’aura rien épargné aux Français. Le monde stupéfait nous regarde dans cette guerre picrocholine de responsables politiques incapables de dresser une feuille de route claire et lisible pour sortir le pays de l’ornière.
Oh, il y avait bien une solution. Elle s’appelle remise des compteurs à zéro, « dissolution », et élection d’une nouvelle Assemblée, en espérant qu’en sorte cette fois une majorité. Mais au vu des sondages (tous convergents), Emmanuel Macron ne veut pas prendre le risque de faire la courte échelle au Rassemblement national et d’entrer dans l’Histoire comme étant le président ayant aidé, même involontairement, à l’installation au pouvoir de l’extrême droite. Pour les mêmes raisons, il n’accepte pas l’idée de démissionner de la présidence.
À quelques mois des présidentielles, les partis jouent davantage leur carte que celle du pays. La France est actuellement ingouvernable alors que, justement, elle aurait bien besoin d’un cap pour ne pas sombrer plus profondément dans une crise financière (3 400 milliards de dettes) mais aussi politique, au sens noble. Les citoyens, atterrés par le spectacle actuel, se détournent de la chose publique. Il n’y a rien de plus dangereux : c’est un terreau pour toutes les dérives.
Je ne sais pas si Mme Lecornu-mère regarde la télévision le soir pour se détendre. Si oui, je lui conseillerais de fuir les chaînes d’infos et de leur préférer les chaînes sportives, encore que sur celles-ci il y a parfois du catch ou de la MMA, qui n’ont rien à envier à notre vie politique, question violence.