Les bons comptes
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 1er juin 2023
« S’assurer du bon emploi de l’argent public, en informer les citoyens », telle est la fière devise de la Cour des comptes qui, en conséquence, passe à la moulinette la gestion des services de l’État, des collectivités territoriales et des organismes publics, ainsi que la mise en œuvre de politiques publiques. Elle produit un rapport annuel remis au président de la République, très attendu par... la presse qui va y pêcher des informations fiables, souvent surprenantes, quelquefois scandaleuses. Elle livre aussi tout au long de l’année un chapelet de rapports sur des sujets tellement divers que le lecteur de ces documents se demande parfois qui peuvent bien être les magistrats capables de répondre à des sujets aussi variés.
Rien que pour les dernières publications, on leur a demandé de chausser des bottes en caoutchouc pour se prononcer sur l’efficacité des soutiens publics aux éleveurs de bovins, de plancher sur les missions de service public du groupe La Poste, de certifier les comptes 2022 du régime général de la Sécurité sociale, d’analyser la transparence des eaux du Syndicat de l’Adour - Garonne ou encore d’accrocher leur ceinture de sécurité en se penchant sur le Syndicat mixte du parc routier de l’île de la Réunion.
Tous ces rapports sont circonstanciés, détaillés, rédigés dans le souci du détail et leur lecture peut se montrer parfois aride même si l’on dissèque les effets des dernières inondations qui ont frappé le pays.
Reconnaissons que nous sommes peu nombreux à faire notre miel de cette prose pourtant indispensable au bon fonctionnement des services publics. Sa lecture in extenso relève du sacerdoce et il n’y a guère que les spécialistes de la spécialité qui vont y puiser à la meilleure source l’ensemble des informations et analyses développées.
Depuis l’avènement d’internet, les rapports sont ouverts à tous, libres et gratuits d’accès, ce qui est un atout démocratique incontestable. Dans un conseil municipal par exemple, des opposants trouvent souvent dans les analyses des magistrats financiers matière à critiquer l’action de la municipalité. En s’appuyant sur l’autorité du rapport de la Cour des comptes, ils peuvent affirmer que la terre tournerait plus rond s’ils étaient eux-mêmes aux affaires, et ce avec d’autant plus d’aplomb que justement ils n’y sont pas, et que parler est plus facile qu’agir.
Autrefois, disons il y a vingt ans, il fallait encore demander une copie du rapport à la juridiction financière, dont le grand public ignorait jusqu’à l’existence. Ce qui permettait à un maire de ne lire à son conseil que les extraits les moins défavorables sur sa gestion et de passer sous silence les chapitres les plus urticants.
Alors vive cette transparence ! On peut bien sûr s’étonner que cette juridiction et ses antennes régionales soient efficientes pour se prononcer à la fois sur la courbure de la banane et le diamètre idéal du saucisson sec. Mais, comme un glaive au dessus de la tête, ces avis et recommandations sont indispensables sinon pour éviter les dérives, du moins pour les dénoncer.