Les bons et les mauvais sujets
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 28 octobre 2023
Ainsi va l’actualité - et l’attention du public - qu’une information en chasse une autre. Cela est vrai depuis toujours dans notre monde, devenu moderne et pressé, et cela n’a guère d’importance lorsque l’on parle d’un match de rugby gagné ou perdu, de la nouvelle Miss France, de l’heureux gagnant d’un méga loto. Mais force est de constater que l’Histoire s’est brusquement accélérée au point de dérégler les boussoles. Il faut maintenant tourner quelques pages de nos quotidiens et magazines pour trouver un « sujet » sur la guerre en Ukraine ou sur les approvisionnements en pétrole et en gaz qui faisaient trembler la ménagère (et son mari), « sujets » aujourd’hui déjà oubliés… jusqu’à la prochaine fois.
L’actualité va si vite qu’elle en devient parfois sujette à caution. Façon polie de dire que les « fake news » ne sont plus l’apanage des réseaux sociaux et des groupes de pression, comme le démontre l’épisode de l’hôpital Al-Ahli Arabi à Gaza. Les médias, ne pouvant se rendre sur les lieux pour vérifier, ont repris en choeur, et de bonne foi, le bilan « officiel » du bombardement faisant état de 471 morts. Un chiffre terrible, qui a provoqué la colère de la rue arabe, et dont les échos se font toujours entendre en France et ailleurs. Ils ont donc publié ce qui paraissait plausible car sur les réseaux des images (truquées pour certaines ?) semblaient accréditer la thèse d’un bombardement massif, comprendre un missile israélien ayant délibérément ciblé un lieu aussi symbolique qu’un hôpital.
Quelques jours plus tard, les événements apparaissent plus complexes : des images satellite semblent montrer que l’hôpital n’a pas été détruit comme on le croyait, et que le point d’impact, depuis photographié en gros plan, ne correspond pas à un explosif puissant comme un missile ou un bombardement aérien mais plutôt à une « simple » roquette. Les dégâts seraient (heureusement !) plus limités qu’annoncés. Les spécialistes militaires se divisent encore sur l’origine et la nature de ce tir. Pour eux, il peut s’agir d’un loupé ou d’une interception en vol suivie d’un crash sur un lieu involontaire, mais a priori pas de ciblage sur l’hôpital. Cela fait une différence par rapport à la première « version » des reportages qui ont manqué à tout le moins de prudence.
Alors que les services de renseignements sont encore dans le brouillard, les « sujets » sur l’hôpital Al-Ahli Arabi ont surtout bénéficié dans un premier temps au Hamas, qui fut d’ailleurs la seule source « d’information » des médias pendant 48 heures. À d’autres moments, Israël a aussi pratiqué l’intox et le mensonge, c’est de bonne « guerre » en temps de guerre… Il ne reste que la députée Mathilde Panot, chef de file des Insoumis à l’Assemblée, pour assurer à la radio sans l’ombre d’un doute que « la version (d’une frappe) de l’armée israélienne reste la plus crédible ».
Justement, la crédibilité de tous, dans cette affaire, en a pris un bon coup…