Sophie Henry : « Le (…)

Sophie Henry : « Le médiateur est un facilitateur de communication »

À l’occasion de la Semaine de la médiation, Sophie Henry, médiateur de la Ville de Nice et de la Métropole Nice Côte d’Azur, nous éclaire sur l’importance de ses missions. Côté administrés et côté administration.


Quel est votre rôle ?

 Le rôle du médiateur est d’être un intermédiaire entre l’administration et les administrés. L’objectif est de rendre l’administration plus accessible et de faciliter l’accès aux services de la Ville et de la Métropole pour les administrés. Nous sommes également un intermédiaire pour les services de l’administration c’est-à-dire qu’ils peuvent nous solliciter quand ils ont des dossiers compliqués. Ce service est pour tout le monde. Nous sommes plus sollicités par les administrés mais il y a maintenant des services qui nous sollicitent. Je ne suis pas un juge, je ne peux pas rendre de décision sur une position de l’administration contestée par un administré. Je suis là pour accompagner, en règle générale un administré qui n’est pas satisfait d’une décision ou un administré qui n’a pas de réponse à une demande. L’objectif est de renouer le dialogue, la communication. On pourrait dire que le médiateur est un facilitateur de communication, dans les deux sens.

À quel moment intervenez-vous ?

©DR


 Nous intervenons en amont, avant que l’administré ne saisisse le juge, mais nous pouvons aussi intervenir une fois que le juge a été saisi car nous avons signé une convention avec le Tribunal administratif de Nice en 2021. À Nice il y a un référent médiation, Amaury Lenoir, qui est très actif et qui a favorisé cette convention. Elle prévoit que lorsque le Tribunal administratif est saisi d’un dossier dans lequel la Ville ou la Métropole est en cause, il peut proposer une médiation et confier le dossier à notre service, si les parties en sont d’accord. Il faut que l’administré soit rassuré sur l’indépendance du médiateur. Quand vous entendez « médiateur de la Ville et de la Métropole  », vous vous dites «  Il dépend de la Ville ou de la Métropole » or j’ai vraiment une position très externalisée. Je n’ai pas de lien hiérarchique, avec aucun des services. J’ai été désignée par une délibération du conseil municipal puis du conseil métropolitain et je suis extérieure à l’administration. J’ai toute liberté pour agir dans mes fonctions.

Arrivez-vous à convaincre les administrés que vous êtes totalement indépendante ?

 Je l’espère, au regard de nos résultats, puisque dans plus de 60 % des cas nous trouvons une solution favorable au requérant. Il y a 50 % des cas où l’administration peut revoir sa position et 10 % des cas où l’on trouve une solution médiane. Afin que les services ne soient pas réticents à venir en médiation, nous leur disons que nous sommes là pour expliquer ce qu’ils ont fait. Il ne s’agit pas de dire « Vous avez mal fait votre travail  » ou «  Il faut revoir votre position ». Souvent, il manque un élément parce que les services ont répondu vite ou parce que l’administré n’a pas donné toutes les pièces. Mon travail consiste aussi à aider l’administré à mettre de l’ordre dans son dossier. L’administration ne peut pas changer le règlement car il faut une équité entre tous les administrés. Ma position est de dire : est-ce que vous avez tous les éléments pour appliquer le règlement, est-ce que l’administré a prouvé tout ce qu’il fallait ? Et, surtout, il faut bien expliquer la position de l’administration aux administrés. Souvent quand on leur explique ils nous disent : « Maintenant j’ai compris  ».


Comment travaillez-vous ?

 On fait un peu un travail de Sherlock Holmes avec mon équipe (Pascale Carbonel, assistante, Hélène Ghignoni et Laura Ricciarelli, chargées de projet, et un médiateur adjoint Vanessa Ribas-Bourguigon). On regarde l’ensemble du dossier, des deux côtés : les faits, la présentation des pièces et la position juridique également. Nous allons un peu « challenger » l’administration sur sa position : pourquoi dites-vous que ce n’est pas possible ? Sur quels fondements juridiques ? Quelle est la loi applicable, le règlement ? Souvent, les services disent oui ou non parce qu’ils en ont l’habitude mais on leur demande de bien justifier de leur position, au regard des règlements et de la loi. Et on demande à l’administré s’il a bien donné tous les documents. Nous pouvons traiter des dossiers par mail ou par téléphone mais les réunions dans les services ou sur site sont très importantes car cela permet d’avoir les deux visions et de reformuler, d’expliquer.

Combien de dossiers gère votre service ?

"La thématique pour laquelle nous avons eu de nombreuses demandes en 2022 est la régie des déchets." explique Sophie Henry.


 En 2022, nous avons traité plus de 500 dossiers, avec beaucoup de réorientations. Par exemple, un conflit entre voisins n’est pas de notre compétence donc nous allons les réorienter vers un conciliateur de justice. Cette réorientation est très importante car nous accompagnons les personnes en leur donnant un contact et en transmettant le dossier. Il y a environ 70 % de réorientations, ce qui nous laisse quelque 150 dossiers (80 % d’administrés, 20 % de services). En moyenne, nous traitons un dossier en 40 jours.

Quels sont les domaines dans lesquels vous êtes le plus sollicités ?

 La thématique pour laquelle nous avons eu de nombreuses demandes en 2022 est la régie des déchets. À Nice, l’accès aux déchèteries est gratuit, sur présentation d’un badge, jusqu’à deux tonnes. Au-delà, vous payez un service. Ces derniers temps, il y a eu des pertes ou d’usurpations de badges. Un couple de retraités a par exemple reçu une facture de l’ordre de 15 000 euros alors qu’ils n’avaient pas utilisé les services de la déchetterie. Nous avons fait notre travail de « Sherlock Holmes » et avons pu démontrer que la facture ne leur était pas imputable et ils ont été remboursés. La problématique repose sur les conditions de contrôle des passages et les services déchèteries travaillent ardemment à les améliorer au bénéfice des usagers de bonne foi. Il y a aussi des problématiques sur la fourrière, l’assainissement, l’urbanisme, … Ce sont des demandes sur des sujets vraiment très variés, et c’est cette variété qui rend notre travail intéressant, et nous permet d’appréhender toutes les compétences gérées par les collectivités.

"On fait un peu un travail de Sherlock Holmes avec mon équipe Pascale Carbonel, assistante, Hélène Ghignoni et Laura Ricciarelli, chargées de projet" ©DR

Photo de Une (détail) Sophie Henry, médiateur de la Ville de Nice et de la Métropole Nice Côte d’Azur, DR