Edito - Tirer un lapin

Edito - Tirer un lapin du chapeau

Ce temps suspendu pendant lequel la France n’a ni Premier ministre ni gouvernement devrait s’achever dans les prochains jours. En principe du moins. Les tambouilles concoctées pendant les consultations d’Emmanuel Macron ont pour le moment un goût amer, voire de brûlé, pour ceux qui ont été invités à franchir la porte de l’Élysée. Car, pas plus qu’au soir du 7 juillet, il n’y a à l’issue de ces rencontres un « vainqueur » qui soit en mesure de gouverner librement et sereinement au terme de cette période ayant porté à ébullition les partis politiques dans l’indifférence polie de l’opinion publique.

Face à l’attitude présidentielle consistant à donner du temps au temps pour laisser décanter les résultats pourtant peu probants de la dissolution anticipée, celui qui a joué pour une fois le coup plutôt finement, c’est Jean-Luc Mélenchon. En annonçant accepter que LFI ne participe pas à un gouvernement Nouveau Front Populaire, il a levé un obstacle et forcé habilement la main du président en lui enlevant toutes raisons de ne pas nommer Lucie Castets (qu’il a finalement choisi d’écarter) ou une autre personnalité de la gauche non insoumise. Ce faisant, il a renvoyé la droite à ses discordes. Si les choses tournent au vinaigre, le grand chef colérique aura beau jeu de se présenter en ultime recours. On peut compter sur ses troupes pour aiguillonner en permanence le futur chef du gouvernement, quelle que soit son origine.

Quant aux Macronistes, Modem et autres LR « canal historique », ils n’ont pas réussi à définir pendant ces deux mois d’été une sorte de « programme commun de gouvernement ». Une nouvelle fois, les postures l’ont emporté sur les convictions. Elles ne sont pourtant pas si éloignées : vu de la base, il faut sortir un microscope pour trouver des différences dans les politiques menées ces dernières années par Fillon, Philippe, Castex et les autres.

Que Wauquiez grimpe le Mézenc comme autrefois Mitterrand escaladait Solutré, que Bertrand convoite Matignon, que Borne et Attal soient en embuscade, qu’Édouard Philippe se prépare à des « horizons élyséens », cela ne fait que contribuer à l’éparpillement d’un bloc centre droit qui pourrait devenir à l’Assemblée « majoritaire »... dans la « minorité » et de ce fait conduire le char de l’État en écartant les projets clivants pour se concentrer avec pragmatisme – comme les Allemands – sur des questions techniques. Cette droite qui ne veut surtout pas de NFP à Matignon, pronostiquant le chaos le cas échéant, se doit maintenant de prendre ses responsabilités, sauf à plonger le pays dans une crise à l’issue imprévisible. Même si les circonstances lui tordent le bras, « quand faut y aller faut y aller », et une partie de l’opinion ne comprendrait pas un tel refus d’obstacle.

Quant aux extrêmes, elles se délectent de cette situation de paralysie qui fait leur jeu en démontrant l’essoufflement des partis traditionnels, englués dans leurs petits calculs, et dans l’incapacité de faire sortir un lapin du chapeau. Les magiciens de la parole ne sont pas encore prêts à entrer dans la lumière.

deconnecte